Lundi Librairie : HHhH - Laurent Binet



Reinhard Heydrich, "l'homme le plus dangereux du Reich", est l'incarnation de l'idéal nazi selon Hitler et Himmler. Général de police SS, directeur du RSHA et vice-gouverneur de la Bohême-Moravie, il s'impose rapidement comme le principal adjoint du Reichsführer-SS Heinrich Himmler. Les membres de la Gestapo le surnomment "HHhH", "Himmlers Hirn heiβt Heydrich – le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich". C'est l'homme auquel sera confié l'organisation de la solution finale. À Londres dès 1940, les services secrets britanniques et la résistance tchécoslovaque, montent l'opération Anthropoid afin de liquider celui qui est surnommé "le boucher de Prague". En provenance d'Angleterre, un commando de trois hommes est parachuté en Bohême-Moravie dans la nuit du 28 au 29 décembre 1941. Le Slovaque Jozef Gabčík et le Tchèque Jan Kubiš du groupe Anthropoid, en compagnie du Tchèque Josef Valčík du groupe Silver A, montent une embuscade le 27 mai 1942 pour tuer Reihnard Heydrich. Lors de l'attentat, le dignitaire nazi est blessé superficiellement. Pourtant il succombe à une septicémie, huit jours plus tard, le 4 juin 1942. Une traque à l'homme est lancée afin de retrouver les responsables. Réfugiés dans l'église Saints-Cyrille-et-Méthode à Prague, ils sont dénoncés par Karel Curda, membre d'un autre commando. Les troupes allemandes mènent l'assaut et le commando résiste héroïquement durant huit heures au siège. Ils tombent le 18 juin 1942. 

Premier roman de Laurent Binet, publié en 2010 à la suite de deux textes autobiographiques, "HHhH" a été adapté à deux reprises au cinéma, "Operation Anthropoid" de Sean Ellis en 2016, et "HHhH" de Cédric Jimenez en 2017. L'auteur, agrégé de lettres, prof à l'université et dans les grandes écoles, entretient un lien particulier avec cette histoire que son père lui racontait ainsi que la Slovaquie au coeur du récit. Dans les années 1990, il réalise son service à Košice où il enseigne le français dans une académie militaire. Fasciné par le destin de ces résistant, il se lance dans un travail de documentation. Durant plus de dix ans, il se plonge dans les livres et les films retraçant les événements autour de l'Opération Anthropoid. L'idée d'un roman en pleine tourmente du XXème siècle s'impose. Mais Laurent Binet doute. Il doit faire un choix entre la vérité historique, sa restitution rigoureuse, le témoignage et la fiction. Le récit se construit sur un principe allers-retours entre les faits, les documents et les contradictions, les tergiversations de l'auteur en train d'écrire qui se demande comment faire littérature sans dénaturer la réalité.

L'auteur s'attache à moraliser le concept de création littéraire. Le roman, outil de mémoire paradoxal, brouille les pistes. Laurent Binet endosse le costume de passeur d'histoire tout en refusant de romancer. Dans son refus d'esthétisation de l'horreur nazie, il se tient à une ligne précise : relater les faits sans les trahir ni trahir les personnages réels. Il ne recourt jamais aux artifices classiques des dialogues réinventés et autres monologues intérieurs.

Laurent Binet retrace en détail le parcours d'Heydrich Reinhardt depuis son enfance jusqu'à son rôle majeur dans la planification de la Shoah. Il évoque le dignitaire allemand, commandant opérationnel des Einsatzgruppen, les unités mobiles de tuerie de masse en Europe de l’Est, et sa mission d'organisation du programme d'extermination des Juifs d'Europe. Deux mois après sa mort, en juillet 1942, le régime nazi met en place l'"Aktion Reinhardt", la solution finale. C'est à d'autre que le romancier réserve les premiers rôles. Dans ce texte, Laurent Binet parvient à rendre vivante la mémoire des héros de l'histoire Jozef Gabcik et Jan Kubis. Leurs destins se suffisent à eux-seuls. La réalité ne passe pas le filtre de la fiction

HHhH - Laurent Binet - Éditions Grasset - Poche Le Livre de Poche



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.