Paris : 16 et 18 rue Eugène Flachat, hôtels particuliers jumeaux de style néo-Louis XIII, les charmes de la Plaine Monceau - XVIIème

 

Au 16 et 18 rue Flachat, deux hôtels particuliers aux façades polychromes de style néo-Louis XIII associent les briques rouges et roses à la pierre blonde. Edifiés en 1882 sur les plans de l’architecte Georges-Louis Bayard disciple d’Emile Vaudremer (1829-1914), ils ont été construits sur un modèle identique : un étage carré sur rez-de-chaussée, soubassement de pierre blonde, deux travées filantes remplies de briques en bandeaux et toits d’ardoise, entourages parés de pierre. Au premier étage, des trumeaux décorés de carreaux de céramiques de couleur selon des motifs floraux stylisées rythment les espaces entre les fenêtres. Sous les dernières corniches se trouvent des frises filantes scandées de poinçons. Le numéro 16 semble avoir perdu une partie des éléments décoratifs. Dans une volonté d’esthétique fluide, les hauts combles d’ardoise sont percés de lucarnes dans la continuité de la façade. Les deux hôtels particuliers, faux jumeaux, se différencient notamment par le calepinage dont les jeux de géométrie varient d’une façade à l’autre. Au numéro 18, des colonnettes encadrent la porte d’entrée et les fenêtres sont entourées de briques roses. Le chapiteau de la première fenêtre des combles semble avoir été rénové récemment. L’architecte Stephen Sauvestre (1847-1919) a résidé au numéro 16 entre 1888 et 1896.










Le quartier de la Plaine Monceau, issu de l’ancienne commune Batignolles-Monceaux rattaché à Paris en 1860, prend son essor à partir de 1870. Son urbanisation tardive séduit la nouvelle bourgeoisie. Récentes fortunes ou artistes à la mode, architectes, peintres, musiciens ou comédiennes y voient l’occasion de faire construire des hôtels particuliers reflétant leur position dans le monde. La rue Eugène Flachat, baptisée en l’honneur de l’ingénieur en chef de la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest, Eugène Flachat (1802-1873), est ouverte par décret le 30 avril 1879 puis raccordée en 1883 avec le boulevard Berthier. Entre 1880 et 1895, les nouveaux propriétaires souhaitent affirmer leur réussite. Ils font appel aux architectes les plus en vue afin de construire des hôtels particuliers sur les parcelles à bâtir acquises à grands frais. La rue Eugène Flachat devient le terrain d’expression des modes de la fin du XIXème siècle, éclectique, néo-gothique, néo-Louis XIII, prémices de l’Art Nouveau. 

En 1882 et 1884, deux premiers décrets, bientôt suivis d’un troisième décisif en 1902, assouplissent le règlement d’urbanisme à Paris. Les architectes s’émancipent des contraintes normatives haussmanniennes. Ils expérimentent le potentiel formel des nouvelles techniques, des nouveaux matériaux, le fer, le béton, le gré flammé. La période de 1884 à 1902, ère de grande inventivité, marque une rupture avec l’uniformité, une quête d’originalité. Les structures apparentes, les revêtements colorés, l’emploi des courbes et de l’asymétrie ou bien d’une géométrie alternative marquent le paysage urbain d’un tout nouveau répertoire architectural. La palette des styles s’élargit.








Le style néo-Louis XIII se diffuse tout d’abord auprès des élites du Second Empire et de la nouvelle bourgeoisie industrielle. En province, les châteaux, les maisons secondaires et autres folies accordent brique et pierre. Le néo-Louis XIII s’inscrit comme un intermédiaire entre le néo-gothique romantique, le pittoresque troubadour et le répertoire classique. Après 1882, le goût pour la couleur peut à nouveau se manifester sur les façades parisiennes. La polychromie prend des formes variées. Les styles néo-gothique et néo-Louis XIII renouvellent le genre brique et pierre. Cette association pierre et brique moins coûteuse que la pierre de taille est alors jugée plus cossue que les compositions de pierre et de métal notamment parce qu’elle rappelle l’esthétique de deux places royales prestigieuses la place Dauphine et la place des Vosges.

16 et 18 rue Flachat - Paris 17



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Grammaire des immeubles parisiens - Claude Mignot - Parigramme

Sites référents
Plan local d’urbanisme
Voyageur à Paris Tome 17