Lundi Librairie : Le dernier des nôtres - Adélaïde de Clermont-Tonnerre



Le dernier des nôtres - Adélaïde de Clermont-Tonnerre : New York 1969. Werner Zilch, jeune promoteur immobilier aux dents longues, a bien l'intention d'incarner le rêve américain. Adopté à l'âge de trois ans par un couple de la classe moyenne, ce self-made-man veut grimper jusqu'au sommet. Lorsque Werner, le collectionneur de conquêtes féminines, croise Rebecca Lynch, c'est le coup de foudre, la passion torride. Cette jeune artiste se révèle également riche héritière, fille unique d'un tycoon new-yorkais. Mais la rencontre de Werner avec les parents de celle-ci va bouleverser leur idylle.  Février 1945 à Dresde, le bombardement des Alliés a détruit la ville. Parmi la population civile qui s'organise dans des camps de fortune une jeune femme accouche d'un petit garçon avant de mourir. Martha, sa belle-sœur, prend en charge l'enfant et part à travers l'Allemagne en ruines pour tenter de retrouver le père, Johann Zilch, un ingénieur qui fait parti de l'équipe de scientifiques du Reich qui a mis au point les missiles V2.

Romance flamboyante sur fond de saga historique, Le dernier des nôtres emprunte à l'esprit du feuilleton mêlant les ingrédients du genre entre coup de foudre, secrets de famille enfouis, fantômes d'un passé douloureux. Suspense et rebondissements capturent dans leurs rets les lecteurs au fil d'une narration scénaristique saupoudrée de romance et de tragédie. Adélaïde de Clermont-Tonnerre a su composer une trame haletante qui procède du thriller et de son énergie prenante.

La forme classique du récit fait la part belle aux personnages hauts en couleur, joliment troussés jusqu'aux seconds rôles des plus attachants. Se laissant prendre au jeu de l'artifice, l'intrigue articulée autour de deux époques, deux mondes, évoqués en chapitres qui alternent tient le lecteur en haleine. Par le biais de cette histoire morcelée qui peu à peu se reconstitue, les deux fils narratifs qui se rejoignent, la romancière interroge les questions de l'identité et de l'éthique. Le procédé appliqué avec subtilité est séduisant, le contraste entre le New York effervescent de la fin des années 60, celui d'Andy Warhol et du flower power et l'Allemagne nazie en déroute de 1945, saisissant. 

Cette grande fresque romanesque tendrait vers la caricature - ils sont jeunes, ils sont beaux, ils ont du caractère, ils s'aiment mais le destin les sépare - si elle n'était si bien menée, avec autant d'intensité. Page turner d'une efficacité redoutable, Le dernier des nôtres se lit comme un polar. Le roman appartiendrait presque au domaine des petits plaisirs coupables mais salué par l'Académie française, nous aurions tort de nous cacher.

Le dernier des nôtres - Adélaïde de Clermont-Tonnerre - Editions Grasset - Grand Prix du roman de l'Académie française



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.