A l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la mort de Jean Tinguely (1925-1991), la galerie Vallois présente une série d'œuvres exceptionnelles datant de la première moitié des années 60, sculptures-machines et reliefs mobiles rarement présentés au public car issus de collections privées. Ces installations interactives qui explorent le mouvement et le son dans un chaos joyeux, ludique, élégant s'inscrivent dans la philosophie du Nouveau réalisme pour de nouvelles approches perceptives du réel. En réaction au lyrisme de la peinture abstraite du début des années 60, Jean Tinguely repousse les conventions et l'académisme. Il laisse libre cours à un imaginaire fertile proche du néo-dadaïsme mêlant art cinétique et abstraction géométrique.
Si le propos plastique de ces expérimentations libres interpelle avec humour, provoque avec fantaisie, il s'agit également d'œuvres profondément ancrées dans leur temps. Le travail de Jean Tinguely procède d'une réflexion politique sur l'époque qui est marquée par la fin de la décolonisation, la guerre froide, le progrès technique, la mécanisation et l'avènement de la société de consommation.
Réalisations paradoxales, anarchiques et précises, sculptures animées entre rêve moderne et cauchemar technologique, ces créations allégoriques confèrent aux objets de la réalité quotidienne choisis pour leurs qualités sonores, leur esthétique irrégulière, une poésie jubilatoire. Le mouvement comme forme d'expression artistique requiert à la fois précision et audace voire sens de l'imprévu. Jean Tinguely orchestre savamment le désordre à travers l'assemblage d'éléments usuels détournés, bric-à-brac en écho avec l'époque récupéré, recyclé.
Techniques mixtes maîtrisées, inventivité débridée, la série des Balubas, de 1962 à 1963, œuvres inspirées par le travail de Niki de Saint Phalle, se fait ballet tout autant que concert. Parodies de la sculpture classique, les socles se font bidons industriels en plastique. Les structures délirantes se construisent à partir de débris métalliques, de jouets, de fourrure d'animaux ou encore plumes, fils de fer, fragments multicolores que la pédale de commande activée met en branle.
Les moteurs électriques des dispositifs entraînent les éléments suspendus dans une gigue endiablée, fête folle tourbillonnante. Les gorilles en plastique tressautent, un cavalier macabre vibre faux à la main, une paire de chaussures d'enfants s'agite. Poésie absurde, enchantement extravagant, fragile et véloce. Ces œuvres renvoient à l'esthétique des tableaux-pièges de Daniel Spoerri ou des poubelles d’Arman.
"Bascule V" et "La Cloche", deux sculptures datant de 1967 complètent l'idée d'évolution dans l'oeuvre de Tinguely. Au cœur du second espace de l'exposition, au 33 rue de Seine, de très rares Radio-Skulptur, sculptures sonores animées captent sur les ondes des bribes de son. Elles intègrent ainsi la réalité concrète de la vie quotidienne à l'oeuvre.
Art puissant ou machines dansantes, jouets frivoles ou oeuvres animées, cet ensemble de quinze sculptures résument admirablement la folie créative, l'agitation inspirée d'une décennie mythique dans le travail de Jean Tinguely précurseur et trublion. Une exposition à découvrir à la galerie Vallois jusqu'au 29 octobre.
Jean Tinguely 60's
Du 9 septembre au 29 octobre 2016
Entrée libre
Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois
33 et 36 rue de Seine - Paris 6
Horaires du lundi au samedi 10h30-13h puis 14h-19h
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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