Placée sous le signe d’une esthétique mystique mêlant art antique, Renaissance, néogothique, naturalisme, l’œuvre d’Adolfo Wildt (1869-1931) évoque la variété de ses sources d’inspiration. Le sculpteur a réinventé un vocabulaire plastique expressionniste unique, langage poétique et mélancolique dans la lignée des symbolistes où la force expressive du modelé s’allie à la grâce du motif purement décoratif. Au fil du temps, l’artiste s’émancipe d’un certain académisme, s’éloignant de la réalité anatomique pour accéder à des formes plus épurées, reflet puissant de la spiritualité, sans se départir d’un certain lyrisme. Entre hybridation et collision, échappant à toute catégorisation, ce syncrétisme le place en marge de la tradition sans pour autant l’intégrer au mouvement des avant-gardistes. Le musée de l’Orangerie propose jusqu’au 13 juillet une rétrospective de l’œuvre d’Adolfo Wildt à travers une scénographie finement pensée entre chronologie et thématique. A découvrir, soixante sculptures, trente-quatre dessins et esquisses, documents d’époque mis en parallèle avec dix-neuf moulages de sculptures antiques, peintures de la Renaissance ou travaux de ses contemporains comme Auguste Rodin et de ses propres élèves comme Lucio Fontana.
Durant l’entre-deux-guerres, les artistes italiens, dans une étrange insouciance vis-à-vis des bouleversements géopolitiques, marquent leur époque par une créativité exubérante. La montée du fascisme s’accompagne de l’entrée dans la modernité et d’un retour à l’ordre esthétique. Loin des préoccupations de l’avant-garde, Adolfo Wildt (1869-1931), sculpteur torturé, virtuose du marbre, propose une interprétation très personnelle d’un monde arrivé à son point de rupture.
Choix formels singuliers jugés volontiers excentriques, statuaire spectaculaire et raffinée, son œuvre exprime toute la puissance émotionnelle des sujets dans une outrance maîtrisée. L’élégance classique de son travail est bouleversée par l’expression des tourments de la condition humaine, équilibre entre la beauté plastique formelle et la force du sensitif.
Enfant d’une famille très modeste, Aldofo Wildt quitte l’école à neuf pour devenir apprenti dans les ateliers des sculpteurs de l’Ecole lombarde des techniciens du marbre aussi célèbre que celle de Carrare. En 1894, il signe un contrat avec un mécène allemand Franz Rose grâce auquel il à tout loisir pour se concentrer sur un art très personnel dégagé de préoccupations marchandes. Cette autonomie prend fin en 1915 date du décès de Rose.
Aldolfo Wildt se lie avec Margherita Sarfatti, qui devient la protectrice du sculpteur. Critique d’art, femme de lettres et surtout maîtresse et conseillère politique de Benito Mussolini jusqu’au début des années 1930, elle lui propose de nombreuses commandes de l’administration italienne. Une proximité avec le régime fasciste qui lui sera souvent reprochée et dont on peut s’imaginer qu’elle aura contribué à faire tomber son travail dans l’oubli au décès de l’artiste en 1931. Au cours de la visite de l’exposition à l’Orangerie, un buste de Mussolini en fonte - présenté à Vienne en 1923, attaqué à coup de pioche en 1945 - dresse son imposante masse noire sur fond d’incarnat. Troublant.
Entre 1906 et 1909, Aldofo Wildt traverse une période personnelle difficile, une profonde dépression qui le pousse à s’interroger sur son travail et à rompre définitivement avec son époque. Il abandonne le style symboliste pour privilégier la force de l’expressivité. Œuvres torturées, ses sculptures évoquent douleur, révolte, souffrance, passion, extase charnelle ou mystique. Sinuosité des courbes, corps contorsionnés, membres noués, visages déformés dans un cri, l’émotion affleure entre fascination et effroi. Le marbre semble animé par une pulsion vitale marquée d’une certaine morbidité.
Silhouettes décharnées, proportions étranges laissent une impression singulière où la virtuosité technique répond à la singularité iconographique. Avec l’apaisement retrouvé, le raffinement de son œuvre s’exprime dans l’épure de la ligne. Visages longilignes, figure maternelle, masques aux yeux fendus, madones limpides, enfants, le marbre poli coloré à la poudre d’or, presque organique évoque la chaleur de l’ivoire.
Diversité des interprétations, sujets parfois obscurs, réelle signification énigmatique, si l’œuvre d’Adolfo Wildt ne cesse de fasciner voire de diviser à travers une controverse liée au mystère de son art, cette toute première rétrospective en France ne laissera personne indifférent. Je ne saurais trop vous recommander cette exposition captivante et troublante.
Aldofo Wildt, le dernier symboliste
Jusqu’au 13 juillet 2015
Jusqu’au 13 juillet 2015
Musée de l’Orangerie
Jardin des Tuileries
Tél : 01 44 50 43 00
www.musee-orangerie.fr
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