Paris : Les sources de Belleville Part.2 - Rues des Rigoles, de la Mare et de Savies - XXème



À Ménilmontant et Belleville, les noms de nombreuses voies témoignent de l'importance de l'élément liquide. La rue de la Duée renvoie au concept de source jaillissante. La rue de la Cour-des-Noues, du côté de Gambetta, reprend le terme ancien "noues", ruisselets. La dénomination de la rue des Rigoles, en référence aux Rigoles, Rigones et Rigaunes, évoque les petits chéneaux du XIVème siècle qui conduisaient vers les eaux du plateau. La rue des Cascades, ou encore rue de la Mare se passent d'explications. La toponymie du XXème arrondissement tout entier est marquée par l’ancien cours du ruisseau de Ménilmontant. La colline de Belleville où se trouve Ménilmontant est située sur la partie occidentale du plateau de Romainville-Les Lilas qui culmine à cent-trente mètres d’altitude. Elle est constituée d’un sol sablonneux sur une couche de glaise imperméable sur laquelle glissent les eaux de ruissellement. Dès l’époque gallo-romaine, ces particularités se révèlent un atout majeur afin de créer un réseau susceptible d'alimenter Paris. A partir du XIIème siècle, les congrégations religieuses, Hospitaliers de Saint-Lazare et Saint-Martin-des-Champs, propriétaires des domaines, organisent la captation des Eaux du Nord en utilisant les anciens drains romains. L'aménagement des cours d’eau au fil des siècles en fonction des besoins grandissant de Paris marquent durablement la géographie sensible du quartier. Sur le versant Sud de la colline, les infrastructures souterraines ponctuées des célèbres regards techniques, aqueduc construit entre le XIIIème et le XVIIIème siècles, constitue le réseau des Eaux de Belleville. L'ensemble est inscrit aux Monuments historiques depuis 2005.


Rue des Rigoles - Paris 20
Rue des Rigoles - Paris 20
Rue des Rigoles - Paris 20

Place des Grandes Rigoles - Paris 20


Les rues Constant Berthaut et des Rigoles sont indiquées à l’état de sentier sur le plan Roussel de 1730 sous le nom de rue des Rigoles évoquant les ruisseaux de Belleville. Les rues Jean-Baptiste Dumay et de la Mare, deux tronçons d’un même tracé, ont pour origine un vieux chemin dont se retrouve la trace dès 1672 sous le nom de ruelle des Nonnains. 

La rue de la Mare longe l’ancien cours du rû de Ménilmontant. Ce ruisseau descendait la colline de Belleville et alimentait le Grand Egout qu’il rejoignait sur l’actuelle place de la République avant de se jeter dans la Seine au niveau de l’actuel Pont de l’Alma. Le nom de la Mare lui vient d’une ancienne nappe d’eau formée par le ruissellement des sources de Belleville sur le versant méridional de la colline. Cette fameuse mare était située vers l’emplacement actuel de l’Eglise Notre-Dame-de-la-Croix, du côté de la place de Ménilmontant.


Rue de la Mare - Paris 20

Rue de la Mare - Paris 20

Rue de la Mare - Paris 20

Rue de la Mare - Paris 20


Avec l’accroissement de la population parisienne, l’évacuation des eaux usées devient un problème dès le XVIème siècle. Le ruisseau de Ménilmontant est canalisé et transformé en égout à ciel ouvert, le Grand Egout de Paris. Le cours modifié forme une grande boucle autour des limites de la ville qui correspondent à peu près au tracé de nos grands boulevards contemporains. En 1760 Jean-Joseph de Laborde, conseiller de Louis XV et spéculateur foncier fait recouvrir le Grand Egout, officiellement pour des raisons de salubrité publique mais aussi pour apporter une grande plus-value à ses propriétés situées le long de ce cloaque. Ces travaux donnent naissance notamment à la rue de Provence. 

Sous le Second Empire, le Baron Haussmann, préfet de Napoléon III, est chargé de la modernisation d’ensemble de la capitale française. De 1852 à 1870, Paris change de visage. La grande épidémie de choléra de 1832 et le développement des idées hygiénistes poussent le maître d’ouvrage à envisager une transformation des égouts. L’ingénieur Eugène Belgrand débute en 1854 un grand chantier d’assainissement créant un nouveau réseau sous-terrain, extension drastique du précédent, double des profondeurs des rues de Paris, de 157 km de galerie en 1852 à 600 km en 1878.


Rue de Savies depuis la rue de la Mare - Paris 20

Rue de Savies - Paris 20

Rue de Savies - Paris 20

Street Art : Ender - Rue de Savies - Paris 20

Rue de Savies - Paris 20


En 1860, onze communes sont rattachées à la ville de Paris. A l’occasion de cette annexion, le ruisseau de Ménilmontant est partiellement comblé puis finit par disparaître. La rue de Savies anciennement rue Saint-Martin, indiquée à l’état de sentier sur le plan Roussel de 1730, est une voie de l’ancienne commune de Belleville classée dans la voirie parisienne par décret du 23 mai 1863. 

Un arrêté du 3 décembre 1869 lui donne le nom de l’ancien territoire de Belleville datant de l’époque mérovingienne, Savies ce qui en langue franque signifie montagne sauvage, et dont l’appellation avait perduré grâce à la Ferme seigneuriale de Savy, propriété du prieuré de Saint-Martin-des-Champs.


Accès au regard de la Roquette - rue de la Mare - Paris 20
Rue de la Mare - Paris 20
Rue de la Mare - Villa Henri Chevreau - Paris 20
Rue de la Mare - Villa Henri Chevreau - Paris 20


Belleville et Ménilmontant, célébrés par les photographies de Willy Ronis, ont subi au XXème siècle des rénovations plus ou moins heureuses. Paysage minéral glacé, barres de béton et vertige des cimes côté place des Fêtes contre tissu urbain continu de hauteur réduite laissant s’épanouir petites places, jardins, passages et villas propices à la vie communautaire. Cette seconde option bien plus souriante a été retenue par l’architecte urbaniste Antoine Grumbach en charge de coordonner la réhabilitation du quartier Mare-Cascade très dégradé au début des années 80. 

Refusant « la destruction pure et simple autant que la réhabilitation-musée », de 1984-1990, un vaste chantier redonne un visage plaisant à cet ensemble de petites rues pittoresques. La structure originelle préservée a permis de maintenir activités artisanales et commerces de proximité qui en font tout le charme. Tracé des rues suivant des courbes de niveau parcourant les anciens chemins maraîchers et longues parcelles étroites caractéristiques de l’habitat populaire de l’arrondissement donnent au quartier une originalité pimpante de village en pleine capitale. Les travaux ont également permis la réouverture d’anciennes petites voies transversales, la réhabilitation de bâtiments d’origine et la construction d’une dizaine d’éléments nouveaux.


Rue de la Mare - Paris 20
Passerelle de la Mare - Paris 20
Passerelle de la Mare - Paris 20
Passerelle de la Mare - Paris 20

Place des Sources du Nord - Paris 20


Le quartier est ponctué de petits ouvrages en pierre datant des premiers réseaux de captation, les regard,s qui donnaient accès aux canalisations des anciennes sources du Nord afin d’en permettre l’entretien et de vérifier régulièrement la qualité des eaux. Retrouvez l'ensemble des articles au sujet des Eaux de Belleville ici.

Parcours les sources du Nord à Ménilmontant et Belleville - Paris 20
Rue des Rigoles
Place des Grandes-Rigoles
Rue de la Mare
Villa Henri Chevreau
Rue de Savies
Passerelle de la Mare
Place des Sources du Nord

Sources et bibliographie :
Connaissance du vieux Paris - Jacques Hillaret - Editions Rivages
Paris Secret et Insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Promenade dans toutes les rues de Paris - Marquis Félix de Rochegude - Hachette et Cie 1910
Les égouts de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les humeurs de la ville préindustrielle - Pierre-Denis Boudriot


Place des Sources du Nord - Paris 20