Issu d’un milieu modeste, Abderrahmane Eljarib est remarqué pour ses brillants résultats académiques. Il intègre le Collège Royal de Rabat, afin de poursuivre sa scolarité auprès des princes du sang. Il devient le camarade de classe de Moulay Hassan, le futur roi Hassan II. Lors d’une partie d’échecs, le jeune garçon froisse le souverain en devenir. Il ne tiendra jamais le rôle de confident qu’il aurait aimé obtenir. Abderrahmane poursuit des études supérieures à Paris. Il fréquente la Sorbonne, les existentialistes, assiste aux prémices des mouvements indépendantistes et publie un recueil de poème « Elégies barbaresques ». A son retour au Maroc, l’ancien condisciple du souverain nourrit l’espoir d’une place privilégiée à la hauteur de ses ambitions. Le roi Hassan II le nomme conseiller au cabinet du ministre de l’Education mais par une disgrâce inexpliquée, Abderrahmane se voit confier une mission inexistante. Il est envoyé aux confins du pays à Tarfaya, région désertique quasiment inhabitée. Lui qui rêvait de graviter dans l’entourage des puissants, il doit renoncer à ses ambitions, relégué au fin fond du Maroc durant une dizaine d’années. Le retour de faveur relève également du mystère. Le monarque rétablit la fonction d’historiographe du royaume. Il confie ce nouveau poste à Abderrahmane. En charge de consigner les grands événements relatifs au règne d’Hassan II, le conseiller doit également orchestrer en secret les célébrations autour du tricentenaire du règne de Moulaye Ismaël, (1645-1727). Ce sultan de l’Empire chérifien, dont le règne marque l’apogée de la puissance marocaine, s’est illustré par ses succès militaires, sa vocation de roi bâtisseur, son charisme, sa puissance. Souvent comparé à Louis XIV, la figure autoritaire, absolutiste est ambiguë, la postérité ambivalente. A l’occasion de ses recherches, Abderrahmane s’éprend d’une mystérieuse jeune femme, passionaria de la démocratie.
Vingt-et-unième monarque de la dynastie alaouite, qui règne sur le Maroc, depuis le milieu du XVIIème siècle, Hassan II (1929-1999) monte sur le trône en 1961. Abderrahmane, scribe érudit au service d’un souverain ambigu, intelligent, dont la formation académique, et l’humour se complètent d’un cynisme particulier, d’un autoritarisme dont la justice arbitraire est le signe, une goût du pouvoir absolu fruit de la vanité souveraine.
Maël Renouard explore les arcanes de la cour marocaine à travers les épisodes rocambolesques du règne d’Hassan II, les putschs avortés, les représailles. Le coup d’état militaire manqué de Skhirat en 1971 à l’occasion du quarante-deuxième anniversaire du roi donne lieu à une scène de thriller drolatique. Son héros discret fréquente les cercles du pouvoir régis par des codes, se plie au strict protocole qui règle une vie de courtisan. Fataliste, il traverse les intrigues, nourrissant le souci permanent de complaire au roi, la crainte perpétuelle de déplaire. L’attrait du pouvoir est le plus fort, il renonce à ses rêves de carrière littéraire dans l’espoir de devenir plus qu’un conseiller, accéder à une fonction de prestige.
Reconstitution incarnée, parabole hybride, récit haletant, le romancier mène par le biais de l’imagination une réflexion sur le pouvoir politique, la monarchie absolue. Savoureux.
L’historiographe du royaume - Maël Renouard - Editions Grasset - Poche Le Livre de Poche
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