Expo : Vasarely, le partage des formes - Centre Pompidou - Jusqu'au 6 mai 2019



Le Centre Pompidou consacre une grande rétrospective à Victor Vasarely (1906-1997), père de l’Op Art (optical art ou art optique), théoricien de l’esthétique du mouvement, figure majeure du cinétisme. Hérault de la société de consommation en expansion, de la modernité selon les années 1970, il est l'artiste des Trente Glorieuses. Vasarely a su imposer un univers graphique marqué par les illusions d’optique et les formes géométriques abstraites, orientant de façon radicale l’imaginaire visuel de son temps. Peintures, sculptures, intégrations architecturales, publicité, arts décoratifs, l’exposition retrace, en trois-cents pièces, sa quête de nouvelles réalités plastiques à travers un parcours chronologique et thématique. Sur les chemins d’une forme de création populaire et universelle, démocratique, accessible à tous, Victor Vasarely tente d’abolir la frontière entre l’art et la vie, entre les beaux-arts et les arts appliqués. Porté par l’idée d’une dissémination de la forme artistique dans le quotidien, il revendique la production de masse, la reproductibilité de ses œuvres afin qu’elles puissent être diffusées le plus largement possible hors des institutions. Cette poursuite d’un idéal d’expression populaire, ces convictions et l’omniprésence de ses motifs auront nui à sa carrière et à sa postérité. Vingt-deux ans après son décès, alors que la dernière grande exposition consacrée à Vasarely remonte à 1963 au musée des Arts décoratifs, le Centre Pompidou rend hommage à cet artiste incontournable des années 1970.












Né à Budapest en 1906, il sera naturalisé français en 1961, Victor Vasarely se destine à la médecine. Les études qu’il débute en ce sens lui donne le goût des sciences et des mathématiques, un intérêt qui va durablement imprégner son oeuvre plastique. Quittant rapidement cette voie, il intègre, en 1928, l’académie Mühely de Budapest. L’enseignement de cette école allemande est marqué par les principes du Bauhaus. L’égalité entre toutes les disciplines artistiques y est promue avec force notamment entre les Beaux-arts et les arts appliqués. Vasarely suit les cours d’Alexandre Bortnyik, lui-même élève de Joseph Albers et de Laszlo Moholy-Nagy, qui l’initie aux techniques de la publicité.

En 1931, Vasarely rejoint la France et Paris où il travaille en tant qu’illustrateur publicitaire. Il se forme au graphisme auprès des plus grandes agences de l’époque, Havas, Draeger, Devambez. Ses œuvres personnelles s’inspirent alors du constructivisme, du suprématisme, du cubisme et ses tableaux conservent la trace d’influences variées jusqu’aux années 1940. Sa production très graphique tend de plus en plus vers l’abstraction. 

Néanmoins, Zebra, réalisé en 1939, enchevêtrement de lignes en noir et blanc, préfigure ce que sera l’art optique de Vasarely. Les éléments marquant de son vocabulaire plastique, rayures, sinuosités et illusion d’optique, s’y expriment pour la première fois. Dès les années 1950, il s’intéresse plus précisément à l’art cinétique par le biais d’œuvres dont le dessin vient troubler l’œil et sa perception de l’espace.  Les ensembles en noir et blanc jouent sur les formes, traits, cercles, quadrillages, le rythme des compositions et les contrastes de lumière. 












L’exposition suit le processus de radicalisation, la progression de l’abstraction dans l’oeuvre de Vasarely. Avec l’art optique, l’artiste confère à la toile l’illusion du mouvement ou du volume. Il cherche à exprimer le mouvement et la troisième dimension sur la toile, un support en deux dimensions. Progressivement, il invente un alphabet de formes et de couleurs dont les permutations donnent naissance aux œuvres. Répondant à un vocabulaire précis, six formes géométriques incrustées dans des carrées de couleur, il affirme que ses créations sont programmables. 

La grande popularité du travail de Victor Vasarely vient sur le tard. Son oeuvre foisonnante est intimement connectée à son temps, à la mémoire collective liée au contexte scientifique, économique et social des années 1960-70. L’esthétique futuriste s’inspire des progrès technologiques notamment de la conquête spatiale. Son style si singulier incarne la modernité d’une époque avec cette particularité issue de la société de consommation, la multiplication des signes. Vasarely revendique un art multipliable, reproductible. Prolifique, il tend à déhiérarchiser les pratiques et les cultures selon un principe d’harmonie sociale. 











Vasarely cherche à investir un champ esthétique hors des galeries, hors des musées. Ses motifs incarnent alors la pop culture. En 1972, avec son fils, lui aussi artiste et graphiste, Jean-Pierre Vasaraly dont le pseudonyme est Yvaral, il revisite le logotype de Renault. En 1969, il imagine la pochette de Space Oddity de David Bowie. Les couvertures de la collection Tel des éditions Gallimard, les pochettes des disques Deutsch Gramophone qui accompagnent les œuvres de Bach et Beethoven se parent de ses créations psychédéliques. Il multiplie les collaborations et se penchent vers les arts décoratifs, vaisselles, montres, foulard, sacs à main. 

Vasarely qui apprécie Jean-Chistophe Averty, son goût de la provocation et son sens de l'innovation télévisuelle, signe les décors de ses émissions. La Deutsch Bundesbank à Frankfort fait appel à lui pour repenser la salle à manger officielle reconstituer dans son ensemble au Centre Pompidou, sols et murs jaune bouton d’or, curieux disques de métal gris et noirs tintant en suspension. Les séries de mode, la publicité, Vasarely est omniprésent. A cette époque, l’artiste réalise une centaine d’œuvres décoratives s’intégrant à l’architecture, telles que les deux œuvres monumentales dans le hall de départ de la gare Montparnasse ou encore en 1971 la façade du bâtiment, au 22 rue Bayard à Paris, qui abrite les locaux de RTL. L’oeuvre composée de 33 lattes d’aluminium est démontée en 2017 et offerte à la fondation Vasarely par le groupe M6 à qui appartient RTL.











Dans ce parcours chronologique, la dernière salle demeure la plus interpellante sur le plan esthétique. Les murs revêtus de noir, la lumière concentrée sur les œuvres exposées mettent en valeur formes et couleurs de toiles très troublantes. La série Vega, ensemble de grilles parcourues de points colorés rappelle que l’abstraction de Vasarely est liée au réel. La dimension cosmique de ces tableaux souligne l’intérêt de l’artiste pour la conquête spatiale. Sommets de l’Op art, les œuvres donnent l’impression d’une curieuse vibration. L’œil trompé par la déformation des lignes, attribue aux surfaces planes relief et mouvement de la respiration. Vertige…

Vasarely, le partage des formes
Jusqu’au 6 mai 2019

Centre Pompidou
Place Georges Pompidou - Paris 4
Horaires : Tous les jours sauf le mardi - De 11h à 21h - Nocturne jusqu'à 23h tous les jeudis



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.