Paris : Villa Mallebay, coquet témoin de l'urbanisation parisienne depuis le XIXème siècle - XIVème



La Villa Mallebay que je visite avec vous aujourd'hui est typique du XIVème arrondissement. Sur la rue Didot, façades haussmanniennes en pierre de taille et immeubles de briques rouges ou grises dans la pure tradition faubourienne ont des allures typiquement parisiennes. Ici les constructions contemporaines n'ont pas encore fait leur chemin, les grands travaux des années 1970 n'ayant pas atteint cette partie du XIVème arrondissement. Si l'ensemble paraît néanmoins très urbain, l'incursion dans les petites villas en impasse qui s'éparpillent depuis la rue principale permet au flâneur de changer complètement d'atmosphère. Sur ce territoire aux sols instables minés par les carrières souterraines, les maisons ouvrières de dimension réduites datant du XIXème siècle ont été préservées. Les nombreux passages, villas, cités rappellent les origines modestes du quartier urbanisé de façon plus ou moins anarchique mais dans l'idée de rassemblement communautaire. Ce caractère spécifique du lotissement relativement préservé est l'un des grands attraits du quartier Didot aujourd'hui. 


Villa Mallebay en 1910









Enclave singulière marquée par l'histoire du rattachement des communes à la ville de Paris en 1860, le micro-quartier Didot englobé dans celui de Plaisance garde les traces d'un passé champêtre. Malgré la poussée impitoyable de l'urbanisme moderne, le XIVème arrondissement dont le paysage citadin pittoresque a souvent été altéré par les constructions modernes, a conservé des ilots de tissu urbain datant de la deuxième moitié du XIXème siècle.

Trapèze au trois monts, Montparnasse, Montsouris, Montrouge, avant l'annexion de 1860 voulue par Naopléon III, ce qui deviendra le XIVème arrondissement de Paris est un ensemble de petits bourgs, de terres maraîchères plantées sur des collines émaillées de moulins. Au delà des barrières d'octroi, les guinguettes s'y multiplient. La fête y est populaire, volontiers tapageuse. Cet arrondissement a été marqué par le travail d'un homme, Alexandre Chauvelot. Investisseur privé, spéculateur, lotisseur, ancêtre de nos promoteurs, il a laissé sa trace de façon pérenne dans la physiologie d'un XIVème originellement très modeste et donc peu sujet aux transformations précoces. 











A partir de 1832, certaines terres isolées dépendantes du bourg de Vaugirard, terrains incultes troués de carrières, attirent l'attention des spéculateurs. Ils se font lotisseurs, achetant ces terrains à bas prix qu'ils revendent en parcelles étroites à une population modeste d'employés et d'ouvriers. La rumeur parle déjà d'un éventuel rattachement des communes limitrophes à la Capitale. Vers 1840, avec la construction de l'enceinte de Thiers, l'idée d'annexion se précise et les terrains à bâtir aux portes de Paris deviennent progressivement objets de toutes les attentions. 

Les spéculateurs investissent massivement et sans se soucier de plan d'urbanisme général proposent des lots irréguliers, lopins de terre disposés le long d'une voie principale qui donneront les étroites ruelles tracées en arête de poisson autour de la rue originelle comme c'est le cas pour les villas Jamot, Duthy, Deshayes, Collet et Mallebay. En 1845, Chauvelot crée le village des Thermopyles dont je vous parlais ici. L'urbanisation du futur XIVème arrondissement est en marche et se précise dès 1860.










Impasse verdoyante, la villa Mallebay trottinent vaillamment jusqu'à un terrain de sport flambant neuf joliment intégré à l'espace urbain. Ouverte à la circulation publique par arrêté du 23 juin 1959, elle porte le nom d'un ancien propriétaire. Maisons individuelles un peu décaties datant du début du XXème siècle, maisons d'architecte récentes respectant le gabarit des bâtiments préexistants, anciens ateliers d'artistes et d'artisans rénovés, la villa Mallebay surprend par son atmosphère champêtre. Les jardinets débordent sur la chaussée à l'initiative des riverains. Les bicoques y sont charmantes. Même les plus modernes possèdent un certain cachet. Dans la pure tradition du quartier, on y trouve encore le refuge d'artisans d'art comme l'Atelier Michèle Atman appartenant au groupe du Carton Gravé.

Le sculpteur Jean Cardot (1930- ), établi villa Mallebay en 1961 y a tenu atelier pendant longtemps. Le local rustique des origines a été progressivement agrandi par l'acquisition de garages voisins. Auteur d'oeuvres monumentales s'associant à l'architecture, il a été élu en 1983 à l'Académie des Beaux-Arts, dont il sera président de 1992 à 1997. Un projet d'espace culturel dans les anciens ateliers de la villa Mallebay doit lui rendre hommage.

Villa Mallebay - Paris 14
Accès entre le 86 et 88 rue Didot - Paris 14



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 14è arrondissement - Michel Dansel - Parigramme
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
L'invention de Paris - Eric Hazan - Editions du Seuil - Edition de poche Points 
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit

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