Paris : 10 oeuvres d'art public contemporaines, hommage à la création en ville



La Ville de Paris mène une politique de commande d'œuvres destinées à l'espace public visant à soutenir la création artistique tant en rendre l'art contemporain accessible au plus grand nombre. L'évolution de l'aménagement et des équipements offre de nouvelles configurations urbaines à esthétiser. Lien entre l'artiste, les institutions gouvernementales et les usagers, l'oeuvre d'art public au cœur de la ville ouvre le musée sur la rue. Cette expérience sensible est le résultat du regard porté par le plasticien, une esthétique prise à partie par l'urbanisme et l'architecture. Le maillage culturel et artistique raconte comment l'espace est vécu et partagé, interroge le sens de la ville elle-même, notre manière de la vivre en valorisant les lieux, les parcours de ses citoyens. Aujourd'hui je vous propose de découvrir ou redécouvrir dix œuvres d'art public parmi mes préférées.


Objet de contemplation esthétique à vocation critique, les œuvres d'art sont un vecteur de réflexion dont la dimension sociale et solidaire se révèle lorsque le sens dépasse l'aspect décoratif. Ce facteur émancipateur entraîne naturellement un mouvement de dynamisme social. L'esthétique du territoire urbain apparait dès lors comme le reflet de l'organisation de la société. Néanmoins, il faudrait garder en tête les questions au sujet de l'instrumentalisation des artistes. Les œuvres devenues caches, feraient-elles partie de ce spectacle, ce divertissement destiné à détourner l'attention des enjeux politiques, des vrais problèmes ? Des jeux et du pain ? Trêve d'interrogations existentielles, profitons de la singularité de ces dix créations contemporaines chères à mon coeur.





Le Bel Costumé - Jean Dubuffet (maquette 1973 - réalisation 1998) 
Jardin des Tuileries - Terrasse du Jeu de Paume - Paris 1

En décembre 1998, une dizaine de sculptures contemporaines s'installent dans les jardins des Tuileries véritable dialogue vivant à travers les siècles entre le patrimoine et les artistes du XXè siècle. Parmi les œuvres de cette commande de l’Etat financée par le Fond National d’Art Contemporain Direction de l’Architecture et du Patrimoine, se trouve Le Bel Costumé de Jean Dubuffet, silhouette monumentale de 4 mètres de haut en résine époxy et peinture polyuréthane. Imaginé en 1973, Le Bel Costumé fait initialement partie d’un groupe monumental qui devait orner le hall d’entrée d’une aile de la National Gallery de Washington (USA) - un projet pour lequel Jean Dubuffet a réalisé plusieurs maquettes d’architecte. Cette sculpture appartient au cycle de l’Hourloupe (1962-1974) dont les origines tiennent de l’anecdote amusante et du hasard. L’artiste avait pris l’habitude de griffonner sur un carnet au stylo bille lors de ses conversations téléphoniques. Interpellé par le graphisme des dessins réalisés de manière automatique, il systématise le processus dès 1962. Le nom de ce cycle est tiré du titre d’un livre contenant des reproductions de dessins au stylo bille, un nom que Dubuffet associe par assonance à hurler, hululer, loup, Riquet à la houppe, le roman de Maupassant, le Horla. Retrouvez l'article complet qui lui est consacré ici 





Place Theodor-Herzl - Paris 3

Le sculpteur français d'origine italienne, Antoniucci Voltigero dit Volti, a consacré sa vie à l’étude des courbes féminines dont les rythmes et les volumes le fascinent telle une grande architecture de chair à la fois symbole nourricier et sensuel. A la sortie de la station Arts et Métiers, un bronze monumental au titre évocateur, Harmonie, représente une femme nue assoupie qui repose gracieusement sur un piédestal. Formes généreuses, cuisses charnues, ventre rond, seins lourds, cette silhouette alanguie célèbre la plénitude du corps source de vie, féminité épanouie. L'oeuvre de Volti s’inscrit dans la lignée de Rodin, Bourdelle et les critiques d’art la rapprochent souvent de celle de Maillol. Cependant l’artiste réfute la comparaison. " Maillol est un charnel. Moi, je suis un architecte de la sensualité. " Le corps féminin est le principal sujet d’étude de Volti. A travers sa sculpture qui évoque la statuaire méditerranéenne, il glorifie les formes de femmes voluptueuses porteuses de vie. " Ce qui m’intéresse, c’est moins la femme que son architecture… C'est dans le corps de la femme que je puise mon inspiration." Retrouvez l'article complet consacré à cette statue ici 




Place Stravinsky - Paris 4

Oeuvre in situ associant à son esthétique singulière les éléments architecturaux du lieu tout en soulignant le dynamisme propre à ce quartier de Paris, la fontaine Stravinsky offre un contraste saisissant entre le plan d’eau de 580m2 et l’espace minéral de la place. Spectacle musical et chamarré, théâtre nautique, cet ensemble exubérant de sculptures batifolant dans l’eau réenchante la réalité quotidienne à travers une appropriation poétique du concret. La fontaine-sculpture imaginée comme une invitation à l’insouciance et à la joie par le couple mythique du Nouveau Réalisme, Jean Tiguely et Niki de Saint Phalle, a été inaugurée en mars 1983. Monument synthèse mêlant sculpture, peinture, architecture, design urbain et musique, la fontaine Stravinsky cite directement les œuvres du compositeur Igor Stravinsky à qui elle est dédiée, telles que L’Oiseau de feu 1910, Le Sacre du Printemps 1918, Les Noces de Petrouchka 1911, Le renard 1916, Ragtime 1918. En tout seize sculptures, sept créations monochromes et mécaniques de Jean Tinguely, six œuvres opulentes et bariolées de Niki de Saint Phalle ainsi que trois pièces réalisées conjointement rappellent Le Paradis fantastique, une œuvre commune aux deux artistes imaginée pour le pavillon français de l’Exposition Universelle de 1967 à Montréal, un groupe qui se trouve aujourd’hui à Stockholm au Moderna Museet. Découvrez l'article complet consacré à cette oeuvre ici 




Place Lucien Herr - Paris 5

Une insolite statue équestre datant de 1980 intitulée Cheval Cabré caracole sur la place Lucien Herr. Œuvre du sculpteur figuratif espagnol également peintre et graveur, Camilo Otero, cette sculpture est représentative du bestiaire fantastique de l'artiste. Le travail de celui-ci, dense et créatif est empreint de sensualité et d'un humour qui flirte avec l’absurde. Au cœur de sa mythologie ironique se mêlent chimères oniriques et scènes du quotidien, hommage aux plus modestes comme le motif récurrent de la femme à la criée rappelant sa mère. Camilo Otero cherche à révéler la beauté cachée du monde. Son intérêt pour l’art brut et l’art du néolithique ont durablement marqué son approche personnelle. Son oeuvre s'est alors parée de formes primitives rappelant les volumes de la nature animale. Selon lui la création sincère en prise directe avec les éléments naturels et l’imaginaire donnent son caractère unique à l’œuvre, un caractère qui vient du cœur et de la passion de l’artiste. Découvrez l'article complet qui est consacré à cette oeuvre ici 





Place Napoléon III - Parvis de la Gare du Nord - Paris 10

Place Napoléon III, sur le parvis de la Gare du Nord, un singulier plantigrade ailé rutile au soleil dans les éclats chromés de ses laques vermillon. Angel Bear, une oeuvre monumentale signée Richard Texier a pris place, en juin 2015, devant la façade classique de cette agora moderne qu'est la première gare d'Europe. Commandée par la SNCF Gares et Connexions dans le cadre de la Conférence pour le Climat, la COP21 qui s'est tenue en décembre dernier, la silhouette haute de 7,5 mètres semble se désintégrer sous l'effet d'un mal mystérieux, le réchauffement climatique. Conceptuel et plastique, le cri silencieux de l'animal de bronze interpelle les passants pour les sensibiliser à l'urgence d'agir. Aérienne malgré ses 4,8 tonnes, la chimère déploie ses ailes dans une tentative pour s'échapper, hors du monde, déjà, porte-parole cosmique des ours polaires menacés d'extinction par le changement climatique et la fonte des glaces. Une oeuvre au propos écologique. Retrouvez l'article complet qui lui est consacré ici 





Parc de Bercy au niveau de la passerelle Simone-de-Beauvoir - Paris 12

Œuvre du sculpteur français Rachid Khimoune, Les Enfants du Monde est un ensemble de vingt et une sculptures de bronze, installé depuis 2001 dans le parc de Bercy sur la terrasse qui domine la Seine au niveau de la passerelle Simone-de-Beauvoir. Représentant vingt et un pays différents, vingt et une cultures, les statues sont réalisées à partir de moulages d’empreintes urbaines - plaques d’égout, bitume fracturé, pavés, asphalte, utilitaires de la voirie - relevées dans les villes, prélevées dans les rues des grandes cités postindustrielles et des pays que chaque enfant symbolise. « Tous les bitumes se ressemblent, pourtant les plaques d’égouts et les grilles d’arbres se distinguent d’une ville à l’autre comme un tatouage sur la peau. Ces signes révèlent même l’identité de la ville… J’aurais moulé les mots : Eau – Assainissement – Gaz – Electricité dans toutes les langues du monde » explique Rachid Khimoune. L’aspect ludique des Enfants du Monde, symbole de fraternité et de tolérance, cet émerveillement devant la vie humaine, sa diversité et cette capacité à réenchanter, procède d’un imaginaire proche de celui de l’enfance. Ce sont d'ailleurs les plus jeunes qui intuitivement saisissent les premiers la démarche. Retrouvez l'article complet consacré à cette oeuvre ici 





Place Augusta Holmes, rue Paul Klee - Paris 13

A la fois sculpture hybride, fontaine monumentale et installation d’art contemporain imprégnée d’art industriel, La danse de la fontaine émergente est la dernière œuvre importante imaginée par Chen Zhen, plasticien franco-chinois, avant sa disparition. Une création impressionnante, révélatrice de sa philosophie, hymne à un monde multiculturel. Inaugurée le 12 février 2008, La danse de la fontaine émergente est une œuvre singulière d’une grande complexité technique combinant le travail du verre et du métal, l’ingénierie caractéristique de l’eau et la vision éclairée d’un artiste de grand talent. Elle aura nécessité plus de 7 ans de travail avant de voir le jour entre la conception et la réalisation. La danse de la fontaine émergente évoque l’histoire du lieu et symbolise l’énergie de l’eau puisée dans la Seine pour alimenter la ville mais également les liens unissant Paris à la communauté asiatique. Cette œuvre représente un dragon stylisé qui jaillit du mur de l’usine souterraine de production d’eau et dont le corps semble plonger dans le béton devenu liquide par la magie de l’illusion artistique, émerge à nouveau du sol comme d’un lac, bondit une dernière fois avant de disparaître en direction de la Seine. La tête de cet animal mythologique n’est pas représentée laissant, comme le suggère l’encart informatif, l’imagination vagabonder. Retrouvez l'article complet consacré à cette oeuvre ici 





Esplanade Pierre Vidal- Naquet - Paris 13

Juste devant l’université Paris VII Diderot se dresse, au milieu d’une pelouse, une intrigante structure métallique de 10 mètres de haut et autant de large, une sculpture monumentale réalisée par l’artiste américaine Nancy Rubins. Originellement prévue pour se trouver aux abords de la ligne T3a, l’un des tronçons prolongeant le tramway entre porte d’Ivry et porte de la Chapelle, Monochrome for Paris fait l’école buissonnière le long des bords de Seine, s’échappant à l’écart du boulevard Masséna. Erigée en 2013, cette sculpture est certainement l’une des œuvres les plus impressionnantes du parcours d’art contemporain côtoyant le récent tracé tram. Au sommet d’un mât d’inox, se déploie un enchevêtrement arborescent de 10 barques et 50 canoës assemblés de sorte à former une sorte de pissenlit d’acier gigantesque dont les aigrettes lancent des éclats froids, un arbre de métal aux branches effilées. Entre évocation des forces de la nature et détournement d’objets manufacturés, Monochrome for Paris assume une végétalité paradoxale dont la dynamique multidirectionnelle fait également songer aux déflagrations incandescentes d’un feu d’artifice, étoiles soudainement figées dans le ciel. L’œuvre de Nancy Rubins est essentiellement axée sur la réalisation d’assemblage hétéroclites, des agglomérations inversant les priorités forme et fonction, requalifiant les objets usuels en exaltant leurs propriétés esthétiques. Découvrez l'article complet consacré à cette oeuvre ici 





Square de l’Oiseau Lunaire
45-47 rue Blomet - Paris 15

L’Oiseau lunaire et son pendant l’Oiseau Solaire font partie d’une série débutée par Joan Miró en 1966 dans son atelier de Palma de Majorque qui durera jusqu’en 1968. Sculptures animalières fantastiques au modelé d’inspiration mythologique, chimères cornues chargées d’une puissance onirique, elles évoquent des figures presque humaines. Personnage hybride, l’Oiseau Lunaire revendique ses influences cosmiques où transparaissent des rigueurs asiatiques et des rondeurs africaines. S’inspirant des formes organiques de la nature, Miró imagine une créature à la fois vache aux longues oreilles, licorne doté des propriétés compactes de la tortue, volatile gratifié de la corne du rhinocéros. Le monde des oiseaux fait partie, depuis la série des Constellations, du bestiaire de l’artiste mais « Les oiseaux ne figurent en rien l'oiseau en vol ou susceptible de vol. Ce sont encore des figures à mi-chemin entre l'homme et un être plus svelte. Sortes de créatures androgynes, où les courbes flexibles et les jaillissements rigides s'épousent harmonieusement et étroitement. » Retrouvez l'article complet consacré à cette oeuvre ici 





Square Jehan Rictus - Place des Abbesses - Paris 18

Le Mur des je t’aime, une œuvre monumentale très fleur bleue inaugurée le 12 octobre 2000 dans le jardin romantique, lieu de rendez-vous pour les amoureux du monde entier, le square Jehan Rictus. Frédéric Baron auteur-compositeur et poète, habitué du quartier, avec le concours de la calligraphe Claire Kito, a imaginé un tableau composé de 612 carreaux en lave émaillée bleue, ponctué d’éclats de couleur rouge représentant les morceaux d’un cœur brisé. Sur les fines dalles, les mots je t’aime se déclinent, manuscrits, en 280 langues et dialectes du monde entier. Anglais, corse, chinois, kirghiz, navajo, esperanto, inuit, bambara se mêlent, image de paix fraternelle entre les peuples, message d’amour universel. Le format des plaques rappelle celui des feuilles de papier sur lesquelles ont été recueillies les écritures. L’œuvre pensée par Frédéric Baron est le résultat de huit années d'un travail de fourmi débuté en 1992. « Un jour, mon frère m’a écrit je t’aime sur une feuille. J’ai été si bouleversé que je suis devenu un collectionneur de je t’aime. » Amis, voisins, inconnus croisés au hasard des rencontres, Frédéric Baron recueille sur des feuilles de papier 1500 déclarations rédigées à la main. Il imagine de les assembler afin de couvrir un mur hommage à l’amour. Au final, 311 écritures manuscrites murmurent des mots doux en près de 300 langues. Projet simple et charmant, le Mur des je t’aime est devenu un symbole de romantisme mais également un lieu de réconciliation, un trait d’union entre les peuples. Retrouvez l'article complet qui lui est consacré ici 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.