Cinéma : Divines, de Houda Benyamina - Avec Oulaya Amamra, Déborah Lukumuena, Jisca Kalvanda



Dounia vit dans un campement rom coincé entre la cité et l'autoroute A3. Avec sa copine Maïmouna, les deux gamines de banlieue font les quatre cents coups. En BEP accueil, leur horizon triste de jobs sans avenir les frustre. En maraude dans des quartiers désolés, elles rêvent de mieux, de dignité, de jours meilleurs loin de la cité mais aussi d'argent facile. Elles pratiquent le système D, fauche dans les supermarchés, revente à la récré. Dounia, fascinée par Rebecca, caïd du quartier à la tête d'un trafic de drogue, tente de se faire embaucher voyant dans cette opportunité le plus court chemin pour se sortir de la misère.






Oeuvre frondeuse qui joue sur les codes et les genres, à la fois comédie, chronique sociale, film de gangsters, polar et tragédie, ce récit initiatique dans une banlieue entre ghetto, trafic et religion se révèle une critique subtile de la société gangrenée par l'obsession de l'argent. La réalisatrice Houda Benyamina porte un regard sociologique réfléchi sur la complexité de la situation des quartiers, oeil neuf et singulier sur la jeunesse de banlieue dans toute son humanité. Divines, ambitieux, d'une énergie folle se pare d'une résonance sociale puissante entre innocence et cynisme, fraîcheur et réalisme. Les nombreux clins d'œil cinéphiles de Martin Scorsese à Brian de Palma, nous entraîne dans un apprentissage de la criminalité qui passe par des scènes marquantes d'échange de marchandise dans une église, de boxe mais aussi d'une lente descente aux enfers.

Porté par la vitalité des trois actrices, jeunes talents plein de promesse, le film électrise. Le duo blagueur de la petite rebeu nerveuse et de la grande black sensible crève l'écran, Oulaya Amanra (Dounia) tout en énergie pure et puissance d'émotion dans son rôle de gamine éprise de liberté et de révolte, Deborah Lukumuena (Maïmouna) généreuse et sincère. Jisca Kalvanda qui interprète Rebecca donne une dimension inquiétante à ce personnage qui s'approprie les codes des hommes, violence, posture d'une virilité agressive, charisme. Trois femmes en quête d'indépendance dans un monde machiste.




Film de banlieue qui évoque aussi bien Bande de filles que La Haine de Mathieu Kassovitz, film féministe explosif truffé de punchlines dont la désormais iconique "J'taime bien toi. T'as du clito", cette histoire d'amitié adolescente d'une rare tendresse dans laquelle l'innocence se déguise en audace est profondément humaine. Moins convaincante en contrepoint, l'histoire d'amour avec un jeune danseur évoque l'art comme moyen d'échapper à son destin et à sa condition. Oscillant entre la comédie et le drame, bagout et rage de vivre, la réalisatrice signe un portrait bouleversant de cette jeunesse sans jamais sombrer dans le jugement moral envers le parcours de l'héroïne.

Divines de Houda Benyamina
Avec Oulaya Amamra, Déborah Lukumuena, Jisca Kalvanda, Kevin Mischel
Sortie le 31 août 2016



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.