Lundi Librairie : Under the skin / Sous la peau - Michel Faber



Une jeune femme, qui répond au nom d’Isserley, erre jour après jour au volant de sa Corolla rouge sur les nationales des Highlands écossaises. Enigmatique narratrice de ce récit, elle raconte sa vie monotone et solitaire, ramassant au hasard des autostoppeurs mâles dont la silhouette athlétique laisse présager un corps robuste et généreux. Un homme après l’autre, elle poursuit son chemin. Nymphomane, tueuse en série ou rabatteuse, la terrible vérité peu à peu se fait jour. Qu’arrive-t-il aux types qu’elle enlève sur le bord de la route ? Qui est cette créature au visage couturé, aux seins trop gros, aux jambes trop courtes, presqu’une caricature de femme ?

Texte fascinant, à la lenteur hypnotique, Sous la peau / Under the skin reprend inlassablement le même motif, Michel Faber y ajoutant progressivement de nouveaux éléments. Cette mise en place parcimonieuse dont les révélations graduelles servent remarquablement la montée d’angoisse, structure narrative d’une apparente simplicité, amplifie les sensations effrayantes, déclenche une insidieuse nausée. Le récit bascule entre une réalité concrète, familière, la beauté des paysages, les trajets en voiture et un univers de science-fiction. Quotidien et fantastique sont teintés de la même étrangeté comme un prolongement naturel dans la perte de repères.

Sombre et dérangeant, ce roman soulève des interrogations métaphysiques sur l’identité humaine à travers le prisme de l’inversion, la confusion des sympathies et l’empathie ressentie envers un monstre. Métaphore vertigineuse, satire sociale habilement rythmée, l’auteur y dénonce une société rendue folle par l’appât du gain où les iniquités entre les êtres réduisent peu à peu les plus démunis à l’état de bête, un monde où la pitié et la miséricorde n’existent plus. Si l’horreur perd curieusement de son impact une fois la mission d’Isserley révélée, le récit semble s’essouffler dans son dernier tiers et l’auteur peine à finaliser son histoire empêtré dans des considérations environnementales un peu trop éloignées de la trame initiale. A la fois burlesque et terrifiant, troublant et macabre, le sinistre secret d’Under the skin ouvre les yeux sur les dérives de notre monde.

Sous la peau / Under the skin de Michel Faber - Traduit de l’anglais par Michèle Hechter - Editions de l’Olivier - Collection de poche Points