Nos Adresses : Le Duc, les nouveaux menus déjeuner-découverte d'un restaurant de poissons mythique - Paris 14



Bar, rouget, sole, thon rouge, turbotin, Saint Jacques, homard en saison, Le Duc célèbre depuis cinquante ans le goût et la fraîcheur, la vérité toute nue des produits de la mer. La vénérable institution spécialiste du poisson de haute volée n'a rien perdu de son dynamisme. Portée par des embruns aux saveurs iodées, elle perpétue l'héritage d'une belle histoire, celle d'une famille les Minchelli. Coquillages, crustacés, poissons de ligne pêchés au large des côtes françaises sur des petits bateaux trouvent ici leur pleine expression dans des compositions déclinées a minima, moins d'apprêt, moins de cuisson. Le chef Pascal Hélard, breton de Saint-Brieuc animé par un amour des beaux produits et la sincérité d'une philosophie exigeante, oeuvre aux fourneaux depuis plus de trente ans et dirige les cuisines depuis 1995. Au Duc, la simplicité magnifie les saveurs. Si la qualité a un prix certain, voire un certain prix, au déjeuner, deux nouveaux menus invitent à découvrir le poisson en majesté sans se ruiner. La rédaction décline toute responsabilité en cas de coup de foudre.










Après un premier restaurant à la Flotte-en-Ré sur l'Ile de Ré, Jean et Paul Minchelli, deux frères marseillais d'origine corse, ouvrent Le Duc à Paris en 1967. Jean est en salle, Paul en cuisine. Ils vont révolutionner la façon dont le poisson est décliné en proposant une approche différente des produits marins. Finis les pesanteurs héritées d'Escoffier, place à la nouvelle cuisine, aux poissons tout juste saisis, bleus à l'arête, aux assaisonnements limpides, aux compositions épurées. Ils lancent la grande vogue du cru, déclinaisons de tartare et carpaccio de poisson, bien avant la mode des sushis, imposent une vision. A l'époque, parmi les habitués, écrivains, hommes politiques, éditeurs, artistes, comédiens se pressent pour redécouvrir le vrai goût de la mer. François Mitterrand, Françoise Sagan, Marguerite Duras y ont leurs habitudes.

Avec le départ de Paul Minchelli et le décès de Jean en 1992, Jeanine Minchelli, sa veuve, reprend la barre du navire avant de la confier à Dominique, leur fils. La nouvelle génération, fidèle à cette obsession du meilleur, continue de régaler une clientèle internationale avisée. L'histoire des lieux se prolonge à travers recettes héritées et nouveautés dans un décor inchangé de yacht urbain délicieusement suranné signé Slavik, le décorateur star des années 1960-70. On lui doit notamment les mythiques Drugstores Publicis tels qu'ils furent jadis ou encore le pub Winston Churchill. Hublots en devanture, atmosphère feutrée, boiseries sombres, bestioles taxidermisées au mur, avantageuses places assises au comptoir, le Duc n'a rien perdu de sa superbe. Aux armes moussaillon !











Les bons produits, les bonnes cuissons, les bons assaisonnements, le chef Pascal Hélard décline une gastronomie marine de haute volée. Les produits d'exception arrivent tous les jours encore vivants. Le travail des crus qui a fait la réputation de la maison s'inscrit en parallèle d'une maîtrise millimétrée des cuissons. Les poissons caressés à la poêle, gardés à bonne distance révèlent les technicités d'un naturel sensuel, un sens aigu des condiments. Vapeur, court bouillon aux algues, grill, les assiettes limpides confinent à l'épure, simplicité lumineuse d'un trait d'huile d'olive bien choisie, d'un beurre émulsionné, élégance d'un toucher, fulgurance des compositions. Et le soir, sur le chariot des desserts, le baba au rhum fait sa star.

Au déjeuner, les deux menus de la mer proposent d'aborder l'île au trésor sans taper au portefeuille. L'un à 40 euros, entrée et plat ou plat et dessert va à l'essentiel des plaisirs iodés tandis que le second, comptez 60 euros, deux entrées, plat, dessert, ouvre des horizons plus vastes.

Les Bigorneaux de Normandie jouent les amuse-bouche en compagnie d'un beurre des Charentes signé Pascal Beillevaire. L'homme est un passionné qui travaille la crème crue en barate de bois selon une méthode traditionnelle donnant à son beurre une grande finesse aromatique. La Friture d'éperlans, canaille dans sa franchise, croustille délicatement tandis que fond la chair du poisson. Le Saumon cru aux deux poivres, d'une simplicité angélique est désarmant. Humble dans sa fidélité au produit, la Daurade marinée a la netteté apaisée des belles évidences. Les Huîtres chaudes juste tiédies sont parées sereinement, poivre et beurre. De passage, hors formule, les Ravioli de lotte bullent dans le calme doux des émotions sincères.











Nacre du poisson écumant d'iode, l'Escalope de bar au gingembre s'exprime dans sa vérité généreuse. La Lotte aux endives caramélisées trottine avec panache. Dans la volupté d'une crème madère au poivre, les Escalopes de Saint-Jacques aux deux poivres assument leur nature voluptueuse avec ingénuité. Riz rouge de Camargue, endives braisées et poireaux au beurre accompagnent joliment la ronde des assiettes.

La Tarte fine aux pommes en dessert serait presque superfétatoire si elle n'était si cordiale dans sa candeur régressive. Ce qui n'empêche pas de faire bon accueil aux mignardises drôlement bonhommes.

Le Duc
243 boulevard Raspail - Paris 14
Tél : 01 43 20 96 30 ou 01 43 22 59 59
Horaires : Ouvert du mardi au samedi - Fermé le dimanche, le lundi et les jours fériés
restaurantleduc.com



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.