Paris : Passage Dauphine, échappée verdoyante à Saint-Germain-des-Prés - VIème



Le passage Dauphine à Saint-Germain-des-Prés a des airs de jolie province qu'un olivier conversant avec un figuier ensoleillent, évocation méditerranéenne. Cheminant entre les immeubles de la rue Dauphine à la rue Mazarine, dans le prolongement de la rue Christine, la venelle pavée de frais trottine allègrement hors du temps. Le rose de la brique, le vert des plantations, buis taillés façon jardin à la française, plates-bandes plus folâtres de buissons, carré façon jardinet, l'échappée colorée s'annonce instant de pause heureuse, si loin si proche de la frénésie parisienne. Un délice pour le flâneur attentif qui découvrirait l'entrée du passage par hasard.









Ouvert en 1825 sur les vestiges d'une ancienne maison de jeux - établissements nombreux dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés au XVIIIème siècle - dont le jardin s'étendait jusqu'à la rue Mazarine, le passage doit son nom à la rue Dauphine sa voisine. Percée en 1607 à travers les anciens jardins du couvent des Augustins, celle-ci a été tracée dans le prolongement de la grande place royale voulue par Henri IV, la place Dauphine baptisée en l'honneur du dauphin, futur Louis XIII.

Lors des journées révolutionnaires de 1830, le passage Dauphine a été l'un des lieux de distribution de munitions aux insurgés. Au cours des Trois Glorieuses ou Révolution de Juillet, du 26 au 28 juillet 1830, le peuple de Paris se soulève contre le roi Charles X. Des barricades sont dressées dans les rues et des affrontements s'engagent contre les forces armées menées par le maréchal Marmont. Les députés libéraux majoritairement monarchistes prennent en main ce mouvement populaire qui conduit à un changement de dynastie, la maison d'Orléans branche cadette de la maison de Bourbon succédant à la branche aînée. Le roi Charles X est déposé. Le duc d'Orléans est proclamé roi des Français, et non plus roi de France, sous le nom de Louis-Philippe Ier. La Monarchie de Juillet succède alors à la Seconde Restauration.












A deux pas de l'ancien Tabou, célèbre club de jazz de l'après Seconde Guerre Mondial, devenu aujourd'hui le Café Laurent, le passage Dauphine a également fait partie des grandes heures noctambules de la fin des années 1940. Au cabaret La Grignotière, qui se trouvait au 29 rue Mazarine et ouvrait sur le passage, se produisaient chansonniers et jazz band, rendez-vous alternatifs des zazous et intellectuels d'un Saint-Germain disparu.

Soigneusement restaurée au début des années 1970 sous l'égide du Ministère des affaires culturelles par M. Berry, architecte du propriétaire des immeubles du passage, alors la Société Civile Immobilière Centre et Paris sous le contrôle de l'architecte des bâtiments de France M. Dupont, cette cour intérieure déploie aujourd'hui des charmes proprets. Un ravissant salon de thé, L'Heure Gourmande, jouxte l'officine parisienne d'un ferronnier d'art et le showroom pimpant d'un marchand de cuisine et de luminaires LED ultra-modernes. 











En 1973, les travaux de construction d'un parc de stationnement souterrain ont permis de mettre à jour des fragments de l'ancienne enceinte Philippe-Auguste qui hante le quartier. A gauche en débouchant rue Mazarine, ancienne rue des Fossés-de-Nesle, l'entrée du parking en question permet aux curieux d'accéder au niveau - 1 où les soubassements d'une tour de la muraille datant de 1209 ont bon an mal an intégrés la structure moderne. Au numéro 20 du passage Dauphine, l'International Language Centre France, un institut de langues étrangère, conserve également des traces du mur défensif dont les vestiges affleurent au sein même de l'école dans son amphithéâtre principal.

Quiétude heureuse d'une percée inattendue à travers les constructions, le passage Dauphine est en réalité l'écho des nombreux passages similaires cachés derrière les façades et rarement accessibles au public. A Saint-Germain-des-Prés, le promeneur intrépide se doit de garder l'œil ouvert tant il se révèle de merveilles entraperçues par une porte-cochère qui se referme. 

Passage Dauphine - Paris 6
Accès 27 rue Mazarine / 30 rue Dauphine



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 6è arrondissement - Bertrand Dreyfuss - Parigramme
Curiosités de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme
Dictionnaire administratif et historique des rues et des monuments de Paris - Félix et Louis Lazare

Sites référents