Ailleurs : Déjeuner accords mets / vins de Champagne de la Maison Ruinart, orchestré par Philippe Mille, chef étoilé du restaurant Le Parc, du Domaine Les Crayères à Reims



Synonyme d'élégance et de raffinement, la Maison Ruinart est née au Siècle des Lumières. Plus ancienne maison de Champagne fondée en 1729, elle a su prolonger l'esprit des origines, celui du précurseur que fut Dom Thierry Ruinart. Rachetée en 1962 par Moët et Chandon, intégrée en 1987 au groupe Moët Hennessy Louis Vuitton, LVMH, cette deuxième naissance lui a donné l'occasion de trouver un rôle à sa mesure dans la promotion de l'art de vivre à la française. Aujourd'hui, les champagnes modernes moins dosés en sucre s'affirment comme des vins de gastronomie. Ils mettent en valeur des notions de terroir, de cuvée parcellaire. Les menus dégustation autour du champagne permettent d'expérimenter toute la palette de ce vin si singulier. Les bulles se révèlent exhausteur de goût à condition de savoir les dompter. Un défi culinaire que Philippe Mille, chef étoilé du restaurant Le Parc du Domaine Les Crayères a relevé avec maestria dans le cadre historique de la Maison Ruinart à Reims.





Maarten Baas et photographie d'Erwin Olaf

Alphonse Mucha

Georgia Russell

Au début du XVIIIème siècle, la famille Ruinart qui officie dans le négoce des étoffes, a pour habitude d'offrir à leurs clients en cadeaux d'affaire des bouteilles de ce curieux vin de mousse qui ne s'appelle pas encore champagne. Le patriarche, Dom Thierry Ruinart, un moine bénédictin qui perçoit tout le potentiel de ce vin initie son neveu Nicolas Ruinart à son élevage et son commerce. L'engouement pour cet élixir grandit. L'arrêté royal du 25 mai 1728 autorisant le transport de vin mousseux en bouteille change la donne.

A Epernay, le 1er septembre 1729, Nicolas Ruinart ouvre le premier livre de comptes consacré au champagne, véritable acte de naissance de la maison. Il abandonne définitivement l'activité de drapier en 1735. Rapidement, la Maison Ruinart se découvre une vocation internationale. Les premières expéditions vers la Belgique datent de 1739 et vers la Russie de 1765.

En 1764, Claude Ruinart le fils de Nicolas créé la société Ruinart Père et Fils. Il établit le siège sur le site d'anciennes carrières de gypse d'époque gallo-romaine, les célèbres crayères inscrites depuis 2015 au patrimoine mondial de l'Unesco. La maison Ruinart est la première en Champagne à utiliser les immenses crayères abandonnées pour entreposer les bouteilles. Ces caves permettent de faire vieillir le vin à l'abri de la lumière, des changements de température et des vibrations. Je leur consacrerai très prochainement un article plus complet.










Situé sous les bâtiments de la Maison Ruinart classées au titre des Sites et monuments naturels à caractère artistique, historique, scientifique ou pittoresque dès 1931, ce patrimoine souterrain se déploie sur huit kilomètres de galeries sous la butte Saint-Nicaise de Reims. Cadre unique à la majesté de cathédrale, à l'atmosphère si particulière, il a prêté ses voutes à des soirées artistiques exceptionnelles dès les années 1950. Un esprit créatif qui se prolonge de nos jours.

Mécène, dans la grande tradition remontant aux premières affiches publicitaires réalisées en 1896 par Alphonse Mucha, la Maison Ruinart soutient la jeune création contemporaine à travers des initiatives ouvertes à l'international. Depuis 2006, chaque année, un artiste réalise une pièce inspirée par l’univers Ruinart. Dans les salons de dégustation et à l'entrée des Crayères, se trouvent exposées les photos réalisées par Erwin Olaf, l'installation Le Bouquet de Champagne de Maarten Baas.

En 2001, le peintre israélien Gideon Rubin a exécuté une Collection de portraits Ruinart, en hommage aux grandes figures de la famille, sur d'anciens coffres et cartons de champagne. Le sculpteur et designer Hubert Le Gall célèbre le cépage emblématique de la maison, le Chardonnay, par un calendrier en verre de Murano. Cette année, le sculpteur espagnol Jaume Plensa a pris le relais de la plasticienne écossaise Georgia Russell, le designer néerlandais Piet Ein Eek, le designer français Hervé Van der Straeten.








Hubert Le Gall

Le travail d'orfèvre du chef Philippe Mille s'inscrit dans cette même lignée créatrice. Bocuse de Bronze en 2009, Meilleur ouvrier de France et étoilé Michelin en 2011, il dispense une cuisine d'émotions dont les maîtres mots sont plaisir, générosité, gourmandise. Au Domaine Les Crayères, demeure néo-classique construite en 1904 par la famille Polignac, devenu une hostellerie labellisée Relais et Châteaux, au début des années 1980, il officie dans un établissement gastronomique du groupe Gardinière dont font partie le Taillevent à Paris ou encore le Château Phélan Ségur à Saint-Estèphe. 

Le chef Philippe Mille possède un parcours impressionnant. Il a fait ses classes à L'Aubergade à Pontchartrain aux côtés de Jean Bordier, chez Drouant avec Louis Grondard, au Pré-Catelan avec Frédéric Anton, chez Lasserre puis au Ritz avec Michel Roth, au Scribe puis au Meurice avec Yannick Alléno. Amoureux des beaux produits, il respecte leur essence dans une belle sincérité qui confine à l'humilité. Et cette passion se traduit par un engagement local. Quand il prend la tête du restaurant Le Parc en 2009, il part en quête du patrimoine agricole et culinaire de la région. Petits producteurs du terroir, artisans, éleveurs, maraîchers sont ses fers de lance. Sa cuisine de références inspirée des saisons s'illustre par sa technicité pointue, son extrême minutie et la sobriété des harmonies. La mise en scène est sans ostentation, les cuissons maîtrisées, les saveurs franches et nettes.







Au cœur d'une région viticole réputée, l'accord mets et vin est de rigueur. Le chef Philippe Mille sur les contrastes aromatiques, la fraîcheur des champagnes de la Maison Ruinart. Le déjeuner débute par un délicieux spectacle. Il s'agit d'un court-métrage d'animation en mapping en 3D relatant l'histoire de la maison. Projeté dans les assiettes de chaque convive, le récit du film Petit R se prolonge à toute la table jusqu'aux murs de la salle. La loi française ne permettant pas la diffusion des images ou d'extraits dont certains sont soumis à la loi Evin, je vous ai tout de même ajouté en fin d'article un mini-reportage sur le making-of qui vous donnera certainement envie d'en savoir plus (en regardant la vidéo qui suit ce making-of par exemple... Je dis ça, je n'ai rien dit…)

Robe jaune d'or pâle aux légers reflets verts, le Ruinart Blanc de Blancs en Magnum opte pour le tout Chardonnay, un raisin réputé pour sa fraîcheur aromatique. Le nez fruité pointe vers les agrumes, citron, cédrat, s'encanaille du côté des fruits exotiques ananas, fruit de la passion. Les notes de fleurs blanches répondent aux touches de pêche blanche, de baie rose. Vin suave et tendre, d'un bel équilibre, sa rondeur se fait souplesse avec une jolie minéralité en finale. Il accompagne un Emietté de homard sous un nuage de sucs de cuisson, royale d'oignons blancs, fraîcheur de Granny Smith, limpide et vif dans la volupté des contrastes où l'acidité de la pomme relève les suavités iodées. 






Le Dom Ruinart Blanc de Blancs 2006, 100% Chardonnay, déploie les reflets argent d'une robe jaune vert pâle. Sa palette fruitée riche de fraîcheur, cédrat, brugnon, s'alanguit dans les notes subtiles de fleurs fraîches, tilleul muguet. En bouche, les accents frais, délicats rencontrent de légers arômes briochés que tonifie une finale d'agrumes acidulés. Elégance aérienne d'un vin équilibré à la douceur naturelle. Le chef lui propose comme cavalière des Noix de Saint Jacques cuites en croûtes de châtaignes, coquillages et choux-fleurs multicolores à la précision rare, spirituelle.

Le Dom Ruinart Blanc de Blancs 2004 en Magnum dont la robe d'un jaune lumineux chatoie de reflets verts pâles, déploie des notes douces de châtaigne, noix de coco et de pain frais bientôt ravivées par des notes d'agrumes bergamote, cédrat, des accents fleuris d'iris et de muguet ponctuée par une belle minéralité. L'attaque est franche dans la fraîcheur des agrumes à laquelle se mêlent un parfum de gentiane, d'écorce de pamplemousse et un léger iode. Finesse et intensité, ce vin exprime un certain soyeux très intéressant. L'œuf de la ferme de Perthes en écrin de sous-bois, girolles étuvées au vin de voile qui lui tient compagnie déploie d'avenants sortilèges d'enfance dans le calme doux des évidences heureuses.






Robe rose aux reflets presque cuivrés, le Dom Ruinart rosé 2004 est un assemblage de Chardonnay et Pinot Noir. Délicatement aromatique, la fraîche framboise titille la grenade, l'acidité légère de la groseille donne du peps à des parfums de rose séchée, d'épices. Finesse et velouté trouvent dans la finale une note tonique. A ses côtés, le Carpa'chaud de veau, juste saisi, caviar de Sélection, velours de Délicatesse, coulis de feuilles de capucine poivrée possède le tempérament de saveur tout en subtilité, sensualité soyeuse du veau, ravissement joyeux des notes iodées du caviar qui font vibrer l'assiette.

Chardonnay, Pinot Noir, Pinot Meunier, R de Ruinart 1995 en Magnum, a bien du caractère. Robe jaune aux reflets dorés, le nez est expressif, acidulé et fruité dans des notes de pomme poire, des modulations de fruits secs et une jolie minéralité. En bouche, l’attaque est franche, équilibrée, charnue avec des touches de pêche blanche. Elle évolue vers une douce fraîcheur très agréable, idéale pour préserver la rythmique habile d'un très beau Saint Nectaire et noix de pécan torréfiées.

Comme je le mentionnais un peu plus haut, je suis en train de préparer un prochain article qui vous contera l'expérience Ruinart de la visite des Crayères, un moment magique que vous pouvez réserver sur le site officiel. 

Maison Ruinart
4 rue des Crayères - 51100 Reims
Tél : 03 26 77 51 51

Le Parc, restaurant du Domaine Les Crayères
64 boulevard Henry Vasnier - 51100 Reims
Tél : 03 26 24 90 00



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 




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