Cinéma : La promesse, de Terry George - Avec Oscar Isaac, Charlotte Le Bon, Christian Bale - Par Lisa Giraud Taylor



En 1914, dans le village de Siroun, Michael Boghosian, jeune arménien, rêve de devenir médecin. Fiancé à Maral, il est aidé par son beau-père pour aller étudier à Constantinople. Il part plein d'espoir avec la promesse de revenir très vite. Hébergé chez son oncle, riche négociant, Michael fait la connaissance d'Ana qui s'occupe des enfants de la famille. La jeune femme, fille d'un violoniste de renom, a longtemps voyagé en Europe auprès de son père. Malgré son attachement à Chris Myers, un journaliste américain, elle est sensible au charme de Michael qui s'éprend d'elle. Alors qu'ils sont confrontés à des choix personnels, les jeunes gens sont rattrapés par le souffle de l'Histoire. Dans toute la Turquie, les violences contre les Arméniens se déchaînent.






Financé par le milliardaire Kirk Kerkorian dont ce fut la dernière volonté, présenté en avant-première au festival du cinéma américain de Deauville cet été, le nouveau film de Terry George, cinéaste engagé, faisait déjà parler de lui bien avant sa sortie officielle. En effet, le sujet, peu évoqué au cinéma, Robert Guédiguian signant le vibrant et magnifique Une Histoire de Fou en 2015 par exemple, crée bien souvent des polémiques : le massacre du peuple arménien par les autorités Turques durant la première Guerre Mondiale. Sur fond de génocide et de géopolitique, Terry George livre une puissante fresque de plus de deux heures portée par un souffle romanesque

La force du film réside dans la réalisation elle-même. Terry George filme à l’ancienne, avec un lyrisme peu vu depuis les grandes fresques hollywoodiennes. On notera des petites incrustations numériques étranges dans la Turquie du début du XXème siècle, des petites longueurs, un certain académisme mais il ne faut pas s'arrêter à cela. Le film mêle la petite histoire à la grande, l’amour à la mort, l’idéalisme à l’intérêt. La promesse s'attache à mettre en exergue la force des liens familiaux, les rapports d'affection, la sincérité et même, l’impuissance, illustrée par la réaction du personnage interprété par Christian Bale. Autant de thèmes qui résonnent profondément encore, de nos jours.






Le film se déploie sur le fil de deux histoires d’amour percutées de plein fouet par un énième drame contre l’humanité, encore sensible de nos jours, le génocide arménien, avec juste ce qu’il faut pour éclairer ce pan d’histoire. Bien que le triangle amoureux, maintes fois proposé, dans toutes ces variantes, ait pu faire craindre un affadissement du sujet, et en faire un cliché, le scénario nous offre trois personnages attachants dont la bienveillance et l’humanité sont de bien beaux atouts dans notre période troublée. 

Trio d’amoureux idéalistes, vibrants interprété par trois comédiens remarquables avec une mention spéciale pour l’incontournable Oscar Isaac, trois films en cette fin d’année 2017… un bonheur ! Le récit se développe à travers les yeux des deux personnages masculins, non pas parce qu’Ana n’est pas intéressante (au contraire, Charlotte Le Bon campe une femme forte, trouble, intelligente et douce, et vraiment très belle), mais parce qu’ils traduisent l’ambiguïté, la peur, l’espoir, l’innocence et le désespoir, notamment pour le personnage campé par Isaac. 





Il faut avoir en tête cette période d’Histoire coincée dans le tumulte de la Grande Guerre, dans les tensions politiques, dans les enjeux économiques, les influences, les pressions. Pressions qui subsistent encore maintenant puisque le film a subi, avant sa sortie, donc, une vague de commentaires extrêmement négatifs, émanant, principalement, de la Turquie. 

Loin de moi l’idée d’exposer ma propre vision de ce massacre ethnocide, cependant, je ne peux que vous inciter à aller voir ce film romanesque, éclairant une partie de l’Histoire, de vous documenter, de comprendre, d’appréhender, de vous faire votre propre opinion et d’apprécier le récit des amours d’Ana.

La promesse, de Terry George
Avec Christian Bale, Oscar Isaac, Charlotte Le Bon, Daniel Giménez Cacho, Shohreh Adhdashloo, Marwan Kenzari, Angela Sarafyan, Tom Hollander, etc. 
Sortie : 29 novembre 2017



Lisa Giraud Taylor est écrivain, photographe et blogueuse. Son roman Liverpool Connexion est disponible aux Editions Trinômes et son tout dernier opus Karl et Nina chez P.L.B Editeur. Vous pouvez également retrouver sa plume piquante sur Le blog d'une ItemLiz Girl. Cette jeune femme hyperactive - mais comment fait-elle ? - collabore régulièrement avec les webzines Lords of Rock et So Busy Girls où elle nous régale de chroniques pleines d'esprit, ultra punchy dans un style bien à elle. Humour ravageur et pertinence sont ses marques de fabrique.