Expo : Belles ! Belles ! Belles ! - Niki de Saint-Phalle - Galerie Vallois - Jusqu'au 21 octobre 2017



Girondes créatures aux couleurs vibrantes, les Nanas de Niki de Saint Phalle, formes démesurées, corps libres en mouvement, sont plus grandes que les hommes afin de pouvoir devenir leurs égales, pour écraser le masculin des sociétés patriarcales. Dans l'exubérance jubilatoire d'une féminité triomphante, l'artiste a représenté deux aspects antonymiques, la joie chamarrée et la sombre violence larvée. Les Nanas sont des amazones, guerrières du féminisme. L'oeuvre radicale et complexe de Niki de Saint Phalle (1930-2002), à la croisée du Pop Art, du Nouveau réalisme et du Néo-dada exprime sa nécessité absolue d'être créatrice. L'artiste se réinvente par le biais d'une iconographie débridée, inventant sa propre mythologie, imposant son oeuvre dans l'espace public et dans le cœur des gens. A l'occasion de l'exposition Belles ! Belles ! Belles, la Galerie Vallois qui représente la succession Niki de Saint Phalle depuis 2013, revient sur la période de 1965 jusqu'au début des années 1970, moment charnière où son travail s'engage sur une voie politique revendiquée, à la fois féministe et contre les discriminations raciales.










Niki de Saint Phalle choisit de représenter le corps de la femme dans une majesté glorieuse empreinte d'ironie. Fesses et seins disproportionnés, petites têtes sans visage, corps imposants, les Nanas rappellent la force des Vénus paléolithiques. Opposée à tous les canons, aux codes conservateurs en vigueur, cette extrapolation burlesque de l'hyper-féminin, met en lumière un sens de l'humour teinté de souffrance et de colère. 

Jubilation des corps, exubérance baroque, morphologie monumentale, les Nanas libérées des injonctions sociétales se font dominatrices, frondeuses révolutionnaires. La jovialité apparente, entre euphorie et mélancolie, révèle les désirs d'émancipation, la puissance percutante de l'engagement créatif, la révolte de l'artiste. Dans cette exposition, les Nanas et les sculptures-reliefs dont Louise réalisée en 1965 en grillage, laine, tissu et colle, évoquent la violence politique et sociale d'une époque, dénoncent les clichés conservateurs. 








Structures de fil de fer montées sur des carcasses métalliques, enveloppées dans une première période de laine et de papier collé puis avec l'évolution de la technique composées en résine de polyester peinte ou vinyle coloré, les Nanas déconstruisent les stéréotypes associés aux femmes. La sorcière, la mariée, la parturiente accouchant dans la douleur symbolisent la souffrance des rôles assignés, les carcans dans lesquels elles sont maintenues. 

Madame ou Nana verte au sac présagent, dès 1968, de la figure ambiguë de la mère dévorante des années 1970. Dans le couple, assimilé aux parents de l'artiste, l'homme tient en laisse une araignée monstrueuse. Au 33 rue de Seine, dans le deuxième espace d'exposition de la galerie Vallois, il ne faut pas manquer une interview passionnante de l'artiste issue des archives INA. Eclairant.










De toutes les formes, de toutes les couleurs, les Nanas sont la diversité du féminin pluriel. Jeunes, vieilles, laides, belles, matrone imposante et jeune épousée fantomatique, ces géantes légères, tourbillonnantes, célèbrent l'engagement politique d'un travail esthétique et contestataire. La libération des corps que Niki de Saint Phalle représente hors normes, extravagants, fait voler en éclat la prétention de l'art à la respectabilité. Les proportions inquiétantes de ces Nanas évoquent un érotisme de cauchemar, une forme d'obscénité rebelle et tonitruante. Le beau est toujours bizarre disait Baudelaire.

Belles ! Belles ! Belles ! - Niki de Saint Phalle 
Du 8 septembre au 21 octobre 2017
Entrée libre
Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois
33 et 36 rue de Seine - Paris 6
Horaires du lundi au samedi 10h30-13h puis 14h-19h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.