Cinéma : Rock'n Roll, de Guillaume Canet - Avec Guillaume Canet, Marion Cotillard, Gilles Lellouche, Camille Rowe



Guillaume Canet a quarante-trois ans. Reconnu unanimement par la profession en tant que comédien et réalisateur, il mène une existence tranquille, d'aucuns diront plan-plan, entre tournages et vie de famille avec Marion et leur fils à la campagne où ils élèvent des chevaux. Lorsqu'une jeune journaliste le décrit en des termes peu flatteurs dans lesquels il ne se reconnaît pas, Guillaume se met à douter. Aurait-il été ringardisé par la montée de la nouvelle génération et le sex-appeal de Pierre Niney ou Gaspard Ulliel. L'actrice de vingt ans avec qui il joue semble le penser. Et de petites remarques en vilaines obsessions, Guillaume déclenche une crise existentielle. De prime abord sa femme surinvestie dans la préparation de son prochain rôle et ses amis, Gilles Lellouche en tête, ne s'inquiètent pas de cette soudaine remise en question doublée d'une quête absurde de jeunesse et de coolitude. Mais pris dans l'engrenage, le quadragénaire va aller très loin.






Scénariste, réalisateur et acteur, Guillaume Canet met en scène son propre personnage dans un exercice d'autofiction aussi grinçant que barré. Entouré de ses potes, son agent et sa femme, il joue avec la réalité d'une vie privée fantasmée par les spectateurs et l'image que renvoie les médias de son propre couple. En s'épargnant pas, il brouille subtilement les pistes. Farce distanciée où le burlesque côtoie des noirceurs suggérées, Rock'n roll ose la férocité, des audaces follingues, une rare causticité. Satire piquante d'un microcosme obsédé par les apparences et par la jeunesse éternelle, en l'occurrence le milieu du cinéma, ce conte moral corrosif tourne à la farce absurde tout à fait dingue en deuxième partie.






Les comédiens prennent visiblement beaucoup de plaisir à se parodier eux-mêmes. Il y a de la jubilation communicative dans la caricature. Guillaume Canet en has been vieillissant traduit à merveille la dimension pathétique de sa vaine quête. Il incarne avec beaucoup de conviction ce héros paumé, gamin égaré dans un corps de quadra. Ses fragilités le rendent aussi attachant qu'émouvant et l'on suit avec plaisir ses tribulations d'ado attardé cherchant à conjurer les effets du vieillissement. 

Lui donnant la réplique, Marion Cotillard révèle pleinement ses talents comiques. Son personnage qui prépare un prochain film avec Xavier Dolan, ne s'exprime qu'en joual un dialecte québécois. Et elle est tout simplement formidable. Le reste de la distribution s'en donne à cœur joie. Gilles Lellouche incarne Gilles Lellouche, le quadra qui lui est toujours rock'n roll, Yvan Attal est Yvan Attal et les caméos de luxe sont légions : Yarol Poupaud, Johnny Hallyday, Kev Adams, le jeune par excellence…




Miroir déformant, le film attaque le sujet par un angle intéressant en choisissant un personnage masculin plutôt que féminin pour incarner l'angoisse de vieillir, de ne plus plaire, de ne plus être désiré. Entre inquiétudes identitaires et loufoqueries, cet autoportrait porté par la dérision est une comédie de mœurs qui épingle les narcissismes et le jeunisme ambiant. Si Rock'n Roll fait rire -  beaucoup - il interroge également sur l'égocentrisme de nos contemporains à une époque de nombrilisme satisfait, celle du selfie, de la dictature des apparences jusqu'au grotesque.

Rock'n'Roll de Guillaume Canet
Sortie le 15 février 2017



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.