Expo : De bruit et de fureur, Bourdelle sculpteur et photographe - Musée Bourdelle - Jusqu'au 29 janvier 2017



Elève d'Alexandre Falguière, praticien d'Auguste Rodin qui le qualifiera "d'éclaireur de la modernité", professeur d'Alberto Giacometti, c'est en remportant un concours en 1895, qu'Antoine Bourdelle reçoit sa première commande publique monumentale. Le jeune artiste a 34 ans. Il se voit confier la réalisation dans sa ville natale de Montauban, d'un monument hommage aux soldats de la guerre franco-prusse de 1870-1871, une défaite qui marque la chute du Second Empire, la naissance de la Troisième République et l'espoir d'une revanche. Pendant sept années, Bourdelle travaille sur le Monuments aux Morts, aux Combattants et Serviteurs du Tarn et Garonne de 1870-1871. Le groupe inauguré le 14 septembre 1902 représente l'aboutissement d'intenses recherches formelles et sera un creuset d'inspiration pour des réalisations ultérieures, telles que l'Héraklès archer (1906-1909) ou le Centaure mourant (1911-1914). L'exposition De bruit et de fureur, Bourdelle sculpteur et photographe présentée au musée Bourdelle jusqu'au 29 janvier prochain, retrace la genèse de l'oeuvre à travers de nombreuses études préparatoires et variations révélant les différentes facettes du processus créatif. Outil de décryptage inédit, l'abondant corpus photographique dévoile en écho les étapes de la composition, le long périple qu'est la réalisation d'un chef-d'oeuvre. Un fascinant dialogue entre sculptures et photographies, expérience captivante de la puissance créatrice en marche.











Alors qu'il remporte le concours de 1895, la première maquette que Bourdelle présente en 1896 au comité en charge de la réalisation du monument reçoit un avis défavorable. Néanmoins, grâce à l'intervention persuasive de Rodin en 1897, le projet du sculpteur est finalement accepté sans compromis.

Le Monuments aux Morts, aux Combattants et Serviteurs du Tarn et Garonne de 1870-1871 composé d'un groupe de figures expressives est présenté en avant-première au printemps 1902 au Salon de la Société Nationale des beaux-arts au Grand Palais. Le monument est aussi discuté qu'admiré. Les critiques fusent mais cette oeuvre fait de Bourdelle le représentant de la sculpture contemporaine. 











Trois guerriers, Le Dragon cuirassier, Le Grand Guerrier, Le Guerrier mourant entourent une allégorie de la Patrie. Les bas reliefs en méplat représentent l'épouvante de la guerre. La vie, la mort, le désir, la souffrance, la fureur, cette oeuvre syncrétique marque un tournant dans le travail de Bourdelle. Synthèse des explorations plastiques de l'artiste, il développe à travers cette création un vocabulaire plus personnel en s'inspirant d'une méthode utilisée par Rodin qui consiste en un assemblage réalisé à partir d'un répertoire de formes. 










Les 130 photographies réunies pour l'exposition au musée Bourdelle illustre un aspect méconnu de sa production, une facette d'expression artistique à la modernité incontestable. Le sculpteur entretient des rapports étroits avec cet art nouveau qui bouleverse alors les codes esthétiques. Il réalise plus de 700 clichés au cours de la réalisation du monument, saisissant la progression de sa démarche artistique. 

Exploration des possibilités, Bourdelle prend plaisir à mettre en scène ce témoignage jouant avec la lumière de son atelier, composant de nombreux autoportrait en démiurge. Esquisses, modelages en terre, plâtres, moules, bronzes, plus de 60 sculptures répondent aux photographies permettant au visiteur de s'immerger totalement dans le processus créatif, de mieux appréhender les formes d'expression artistiques multiples de l'artiste. La vidéo de l'artiste contemporain Oliver Dollinger complète cette expérience.












Afin de réaliser ce monument, Bourdelle s'inspire de la statuaire antique tandis que l'influence de Rodin se fait sentir dans les disproportions des pieds, des mains, des torses. Le Grand Guerrier, L'Effroi, les Têtes hurlantes, les anatomies torturées, angoissées sont impressionnantes d'audace formelle. La représentation dramatique tout en tension, violence des contorsions corporelles, visages révulsés, déformés jusqu'à l'outrance, exprime la douleur, la bravoure, le déchirement dans un hommage aux combattants dénonçant les horreurs de la guerre. Le Monuments aux Morts, aux Combattants et Serviteurs du Tarn et Garonne de 1870-1871 se révèle dans toute la force d'un véritable plaidoyer pour la paix. 

De bruit et de fureur - Bourdelle sculpteur et photographe
Jusqu'au 29 janvier 2017

Musée Bourdelle
18 rue Antoine Bourdelle - Paris 15 
Horaires : du mardi au dimanche de 10h à 18h, fermeture le lundi et certains jours fériés 
Tél : 01 49 54 73 73



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.