Expo : The Color Line, les artistes africains-américains et la ségrégation - Musée du quai Branly Jacques Chirac - Jusqu'au 15 janvier 2017



Véritable leçon d'histoire à travers le prisme de l'art, l'exposition The Color Line, les artistes africains-américains et la ségrégation retrace 150 ans de création au sein de la communauté noire américaine, depuis la fin de la guerre de Sécession jusqu'à nos jours. Photographies, affiches, coupures de presse, unes de magazines, tracts, revues The Crisis, Ebony, pamphlets, livres d'histoire et de sociologie, projection d'extraits de films, d'interviews, 600 œuvres et documents issus de collections privées et publiques américaines illustrent combats politiques et faits historiques par le biais d'une production artistique d'une grande richesse. Si l'expressivité et l'esthétique des œuvres sont universelles, les thèmes, abordés par le biais de cet art qui trouve son inspiration dans la vie, racontent l'histoire tragique d'une communauté en lutte pour la reconnaissance et l'égalité. Longtemps absents des musées, dédaignés par les collectionneurs, oubliés des milieux officiels, les artistes africains-américains s'engagent et s'affirment. Entre retour sur le passé et regard porté sur la création contemporaine, le travail artistique se fait l'écho d'un pan essentiel de l'histoire américaine. Du pot de terre datant de 1858 de David Drake, esclave et potier dans une plantation de Caroline du Sud, à Origine of the universe signé Mickalene Thomas en 2012, version noire de L'origine du monde de Courbet, l'exposition The Color Line interroge le rejet de l'autre, les communautarismes, l'activisme politique et la persistance du racisme de nos jours.










Au lendemain de la guerre civile américaine (1861-1865) opposant le Nord abolitionniste au Sud esclavagiste, le 13ème amendement de la Constitution américaine qui abolit l'esclavage est voté par le Congrès. La période de la Reconstruction post guerre de Sécession est synonyme d'espoir et de renouveau. Mais dès 1866, les nouveaux Black Codes adoptés dans les anciens états confédérés restreignent les droits des populations africaines-américaines.

Entre 1876 et 1965 dans les états du sud, les lois discriminatoires Jim Crow du nom d'un personnage du vaudeville américain aux thématiques racistes, minstrels et black faces du XIXème siècle, instaurent la séparation raciale et un racisme institutionnalisé à l'encontre de la communauté noire. Elles ne seront abolies qu'en 1964 par le Civil Rights Act. 









L'expression the color line, la ligne de la couleur, la ligne de démarcation raciale, de ségrégation est le titre d'un article paru en 1881, signé par Frederick Douglass. Abolitionniste né esclave et un temps exilé en Europe, homme politique engagé durant et après la guerre de Sécession, il fut l'un des premiers activistes de la cause africaine-américaine. 

Le terme the color line est repris au début du XXème siècle par W.E.B. Du Bois (1868-1963) qui fonde en 1909, la National Association for the Advancement of Colored People, la NAACP, association de défense des droits des africains-américains. Les premiers mouvements contre la ségrégation s'organisent.












A New York, l'accès à l'instruction dans les universités à l’est de Harlem permet le développement d'une élite africaine-américaine et l'apparition d'une bourgeoisie noire. Le quartier devient un foyer de création artistique majeur. Le mouvement de la Harlem Renaissance voit le jour, étayé par une effervescence littéraire qui porte sa réflexion sur la condition des Africains-américains dans la société. Le bouillonnement intellectuel est favorisé par la multiplication d'associations et le lancement de journaux mettant en valeur l’héritage africain de la communauté.

Le magazine The Crisis, fondé en 1910 au sein de la NAACP dans les bureaux du New York Evening Post, publie pamphlets et articles des auteurs africains-américains. Le mensuel fait également connaître les œuvres littéraires d'Arna Bontemps, Langston Hughes, Countee Cullen et Jean Toomer dans les années 1920. Le New York Amsterdam News qui parait à Harlem en 1909, participe à la diffusion des écrits des militants W. E. B. Du Bois, Roy Wilkins et Adam Clayton Powell Jr.










Malgré l'engagement des soldats africains-américains lors de la Première Guerre Mondiale - l'oeuvre de Horace Pippin (1858-1946) soldat de l'armée américaine, peintre, dessinateur, écrivain, auteur d'un abondant journal, en est un témoignage très fort - la ségrégation persiste et les lynchages se multiplient dans le Sud des Etats-Unis. Cet état de fait a pour conséquence la migration massive des populations noires du sud rural vers le nord urbain, où elles trouvent des emplois dans les grandes usines de Detroit, Pittsburgh, Chicago.

A New York, convergent les acteurs de la Harlem Renaissance : militants, intellectuels, écrivains, photographes, musiciens comme Louis Armstrong (1901-1971) ou Duke Ellington (1899-1974), photographes, artistes tels Henry Ossawa Tanner (1859-1935), Malvin Gray Johnson (1896-1934), Aaron Douglas (1899-1979), Archibald Motley (1891-1981)… 












Après la Seconde Guerre Mondiale, les grandes figures des droits civiques se font entendre, Martin Luther King, Rosa Parks, Angela Davis, Malcolm X. En 1964, le Civil Rights Act déclare illégale la discrimination reposant sur la race, la couleur, la religion, le sexe, ou l’origine nationale, réformant profondément la société américaine.

Du Vietnam, aux Black Panthers jusqu'à Barack Obama, les artistes contemporains - Jacob Lawrence (1917-2000), Robert Colescott (1925-2009), Betye Saar (1926- ), Thornton Dial (1928-2016), David Hammons (1943- ), Jean-Michel Basquiat (1960-1988), Ellen Gallagher (1965- ), Mickalene Thomas (1971- ) - héritiers de l'activisme et de la contestation s'interrogent encore sur la frontière mentale qui demeure. L'actualité récente, qui a donné le jour au mouvement Black lives matter, illustre que the color line est une ségrégation toujours subie par la communauté africaine-américaine.

The Color Line, les artistes africains-américains et la ségrégation
Du 4 octobre 2016 au 15 janvier 2017

37 quai Branly - Paris 7
Horaires : mardi, mercredi et dimanche, 11h-19h - jeudi, vendredi et samedi, 11h-21h, fermé le lundi
Tél : 01 56 61 70 00



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.