Paris : Hommage à Paul Celan, une oeuvre d'Alexander Polzin - Jardin Anne Frank - IIIème



Depuis dix-sept ans, le sculpteur berlinois Alexander Polzin, né en 1973, est fasciné par l'oeuvre de Paul Celan. Il a pour projet d'ériger un monument dédié au poète, un mémorial à Paris où celui-ci a passé plus de la moitié de sa vie. De discussions en tractations, de recherches de partenariat, de mécénat en quête d'un lieu, cette initiative de longue haleine a trouvé sa réalisation finale avec l'inauguration le 1er juin 2016 du groupe de sculptures "Hommage à Paul Celan". A l'entrée du jardin Anne Frank au cœur du Marais historique, ces silhouettes de bronze signées Alexander Polzin entrent en résonance avec les interrogations de l'artiste au sujet du rôle de l'art public dans la mémoire collective, de son influence sur la vie de la cité.








Alexander Polzin réconcilie à travers ses œuvres, la dimension esthétique et les réalités socio-politiques de notre monde. En dehors des modes et des courants, il met son originalité et sa puissance d'évocation au service d'une vision engagée de l'art. A la fois sculpteur, décorateur, réalisateur, il a réalisé de nombreux décors pour des opéras, des ballets, explorant le lien direct entre musique et art plastique. Passionné par la représentation de l'expression artistique dans l'espace public, il a réalisé de nombreuses sculptures exposées à travers la ville, telles que Der gefallene Engel devant le Collegium Heleveticum à Zurich, le Mémorial à Giordano Bruno sur la Potsdamer Platz à Berlin, Le couple dans le hall de l'Opéra Bastille.

En rendant hommage à Paul Celan, poète majeur de l'après-guerre de langue allemande, né en 1920 à Czernowitz alors Roumanie allemande, aujourd'hui Tchernivtsi en Ukraine, Polzin établit une relation entre création littéraire et création plastique afin de transmettre un message de tolérance, servir la mémoire. Installé à Paris en 1948, Paul Celan, "le poète de l'Holocauste", a tenté toute sa vie de trouver les mots pour exprimer "l'après".  Auteur en 1952 du célèbre poème "La Fugue de la mort" qui évoque avec force la Shoah, lauréat du prix Georg Brüchner en 1960, juif allemand de Roumanie établi à Paris et de ce fait figure européenne, il s'est donné la mort en 1970.






A travers son oeuvre Hommage à Paul Celan, Alexander Polzin établit un lien entre la forme plastique et la langue idiomatique de la poésie de Celan. Double sculpture d'urgence et de puissance, deux figures se font face, légèrement détournées l'une de l'autre, corps taillés dans le bois dont le bronze prend l'apparence.

Un homme tordu par la douleur, cloué au sol, tente de s'étrangler de ses propres mains, son corps renversé évoquant une table sacrificielle. La femme, debout, attachée à un poteau, immobilisée est condamnée à le regarder souffrir sans pouvoir l'aider. Elle assiste à l'agonie aveuglée par ses cheveux dont l'or dissimulé persiste. Sa silhouette révèle qu'elle est enceinte, qu'elle porte la vie et donc l'espérance.





La tension ambivalente s'exprime entre un passé déchirant et un avenir possible. La tentation de l'explication biographique est forte mais cette danse macabre, construction allégorique, renvoie à la poésie de Celan qui créé l'unité de la sculpture de Polzin. Toute la forme de la sculpture est préfigurée dans l'oeuvre du poète.

Hommage à Paul Celan - Alexander Polzin
14 impasse Berthaud - Paris 3
Accès 22 rue Beaubourg



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.