Lundi Librairie : Ô Verlaine ! - Jean Teulé



Ô Verlaine ! - Jean Teulé : Le jeune Henri-Albert Cornuty a découvert Paul Verlaine grâce à son oncle, boucher aux abattoirs de la Villette, qui lui a offert les Poèmes saturniens. Monté à pied de Béziers, l'adolescent est bien décidé à rencontrer son idole. Rue Descartes, le poète de cinquante et un ans, perclus de maux, syphilis, diabète, souffle au cœur, cirrhose du foie, pneumonie, hydarthrose de la jambe gauche… vit ses derniers instants dans une frénésie de débauche et d'excès. A ses côtés, le sordide côtoie le sublime. Alors qu'il est méprisé par les gloires littéraires de l'époque - retombées dans l'oubli de nos jours - les étudiants du Quartier Latin et le peuple de la cloche veillent sur lui. Le préfet de police Lépine, un admirateur, a étendu sa protection sur ses frasques. Eugénie ancienne gloire décrépie des cabarets de Montmartre et Esther la fille de joie se disputent les faveurs de Verlaine pour le dépouiller de ses dernières fulgurances et de son argent, lui soutirer des vers qu'elles vendent à Léon Vanier l'éditeur-libraire. Le poète court cabarets, bouges et troquets borgnes dans lesquels il brûle ses dernières ressources à la lueur de la fée verte, sa chère absinthe.

Personnage magnifique et terrifiant, Paul Verlaine entre crises de mysticisme, manie de jouer du couteau, relations orageuses avec ses femmes, revit dans le désordre d'une existence à laquelle répond la liberté de ton de l'auteur. Jean Teulé réinvente légende et réputation sulfureuse du poète pour lui redonner chair. Narration libre, la plume vole canaille de la précision historique à la fiction, incisive et moderne, déployant sens du détail et anecdotes savoureuses. Déchéance matérielle et morale, vertiges, hallucinations dans le caniveau où le mène sa soulographie, l'ignominie ne semble pas atteindre le poète frappé d'indigence mais marqué au sceau des éblouissements portés par les muses.

Le Paris puant et magnifique de la fin du XIXème siècle est reconstitué, vivace et crasseux, à travers de brefs chapitres, vignettes sur le vif où la gouaille du petit peuple marqué par l'extrême pauvreté s'exprime dans des paysages évocateurs. Les quartiers populaires lovés dans la boue et la maladie donnent naissance à des fleurs de trottoir aux parfums d'époque.  Le récit révèle toute la tendresse de l'auteur pour les indigents et les mal-nés. De saynètes piquantes en tragédies de la misère, Jean Teulé désacralise la figure de Paul Verlaine pour mieux la célébrer dans un hommage au génie du poète et à celui du peuple de Paris.

Ô Verlaine ! de Jean Teulé - Editions Julliard - Edition de poche Pocket



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.