Paris : La Maison de Balzac, musée dédié à l'écrivain et souvenirs du village de Passy - XVIème



Accessible depuis l'escalier du 47 rue Raynouard, la maison de Balzac dédié au grand écrivain qui y demeura de 1840 à 1847, est l'un des quatorze musées de la Ville de Paris. Curieuse bicoque accrochée aux coteaux de Passy, elle donne sur son versant opposé vers la rue Berton dont les réverbères et les sinuosités de sentier champêtre semble conter l'histoire de l'ancien village. J'évoquais il y a peu cette venelle bucolique longeant ce qui fut la propriété de la princesse de Lamballe aujourd'hui ambassade de Turquie ici. L'histoire de ce musée pittoresque au charme indéniable ne manque pas d'un certain piquant rocambolesque.









La propriété originelle a été constituée dans la seconde moitié du XVIIIème siècle par Jean de Julienne, directeur de la manufacture des Gobelins. Elle est ensuite acquise par le trésorier général Auguste-Louis Bertin qui y abrite ses amours adultères. La maisonnette à l'extérieur des barrières de la ville prend le nom de "folie Bertin". Le notable y accueille sa maîtresse, la comédienne Pauline Hue et fait installer pour elle une salle de spectacle, théâtre miniature afin qu'elle se produise pour des cercles privés.

Par la suite, c'est Etienne Désiré Grandemain qui devient propriétaire de l'ensemble. En octobre 1840, Honoré de Balzac, criblé de dettes, s'installe en catimini à la folie Bertin, au 19 rue Basse (aujourd'hui 47 rue Raynouard) dans la dépendance de l'hôtel particulier donnant sur la rue, construction qui dissimule aux regards indiscrets des créanciers ce qu'il appellera "la cabane de Passy". La bâtisse principale disparaîtra lors de l'élargissement de la rue en 1937. Il n'en reste aujourd'hui que la porte devenue porche qu'empruntent les visiteurs pour accéder à l'escalier descendant au musée.

Sous le pseudonyme M. de Breugnol, Balzac tente de se faire discret. Il ne reçoit chez lui que les visiteurs en possession du code : "La saison des prunes est arrivée" ou encore "J'apporte des dentelles de Belgique". La légende veut qu'il ait utilisé la porte dérobée donnant sur la rue du Roc (notre actuelle rue Berton) en contrebas afin de fuir ses créanciers. Dans le petit appartement de plain pied sur les jardins bien qu'au second étage, Balzac jouit d'une habitation modeste composée d'une salle à manger, d'un salon, d'une chambre à coucher dotée d'un cabinet de travail. Il y vivra jusqu'en 1847, en compagnie de Jeanne- Louis Breugniot, sa fidèle gouvernante. Il ne quitte cette maison que pour s'installer avec Mme Hanska au 14 rue Fortunée (actuelle rue Balzac) où il meurt en 1850.

Balzac apprécie Passy et caresse des rêves de grandeur. Voici ce qu'il en dit dans une lettre adressée à Madame Hanska datée du 24 juin 1844.

"Elle [Lirette, surnom d'Henriette Boriel] trouve Passy délicieux, et, quoique très ignorante, elle adopte bien mon opinion relativement à ce que je voudrais voire faire plus tard, acheter la propriété d'en face sur le bord de la Seine, l'ancienne maison de campagne de la princesse de Lamballe. En effet, là l'on est à cinq minutes de la barrière, et, pour demeurer dans les Champs-Elysées, autant demeurer là, la distance de tout Paris est la même ; puis, quand l'enceinte de Paris sera portée à l'enceinte continue, ce qui se fera d'ici à dix ans, cette belle campagne vaudra plusieurs millions, en 1860. D'ici là, l'on peut y vivre dans adorable tranquillité, comme à la campagne, et avec plus d'économie que dans Paris."









Après le départ de Balzac, Etienne Désiré Grandemain effectue des travaux qui modifient l'agencement des pièces réduisant notamment la taille de la salle à manger. Il meurt en 1878 et sa fille Mme Barbier hérite du pavillon. Elle organise des visites privées de l'appartement de Balzac pour quelques privilégiés. C'est en 1890, que Louis Baudier de Rougemont découvre la maison lors de l'une d'elles. L'appartement ne cesse d'être occupé par des locataires. Il le sera par exemple de 1905 à 1907 par l'architecte Hénin. En 1908 Louis Baudier de Royaumont, près de vingt ans après sa découverte, le loue dans l'idée d'y fonder un musée privé qui ouvre ses portes en 1910. Grâce à sa diligence, le pavillon est classé au titre des monuments historiques par arrêté du 3 mai 1913.

Mais il meurt en 1918 et Louis Allainguillaume, le nouveau locataire, engage Carlos Larronde comme conservateur du musée. Celui-ci lance de grands travaux de rénovation sans tout à fait respecter les lieux. Les dernières traces des papiers peints d'origine disparaissent tout à fait. Place nette. En 1922, l'appartement est sous-loué à André Chancerel, grand spécialiste de Balzac, qui reprend les activités muséales du lieu. Le testament de Mme Barbier qui décède en 1929, prévoit le lègue de la maison à l'Etat sous réserve qu'il n'en prenne réellement possession qu'en 1950. De 1930 à 1950, une agence immobilière privée gérée par la comtesse de Limur en conserve l'usufruit.

En 1937, la rue Raynouard est élargie. L'hôtel particulier disparaît révélant le pavillon depuis la rue. Les jardins sont inscrits au titre des monuments historiques le 13 mars 1944. L'Etat cède la maison à la Ville de Paris qui devient musée municipal en 1949 mais ne rouvre ses portes qu'en 1960 sous la direction des conservateurs Patrick Boussel et Jacqueline Sarment, lorsque la ville acquiert l'ensemble de la propriété








Aujourd'hui, le musée Balzac, unique résidence de l'écrivain à Paris encore intacte, se compose de l'appartement sur jardin ainsi que des deux étages autrefois occupés par d'autres locataires. Dans le cabinet de travail reconstitué, particulièrement émouvant, est exposée la modeste table sur laquelle a été écrite une partie de la Comédie humaine, notamment Un curé de campagne, Splendeurs et misères des courtisanes, La cousine Bette, Le cousin Pons. Dans l'une des pièces adjacentes, une frise longue de 14,50 mètres retrace la généalogie des personnages de la Comédie humaine, référençant 1000 personnages de l'oeuvre de Balzac sur les 6000 qu'elle compte.





Canne de Balzac, détail © Marc Dubroca Maison de Balzac Roger-Viollet


Cafetière de Balzac © Marc Dubroca Maison de Balzac Roger-Viollet 



Touchant à l'intime, des objets ayant appartenus à l'écrivain, célèbre pour ses excentricités dispendieuses et son goût pour la chine chez les antiquaires, complètent les collections. S'y trouve notamment exposée, la canne en or et turquoise datant de 1834 conçue par Joachim Le Cointe ou la cafetière en porcelaine de Limoge aux initiales HB commandé par Zulma Carraud, écrivain elle-même, amie et muse de Balzac.

« Le café tombe dans votre estomac [...] Dès lors, tout s’agite : les idées s’ébranlent comme les bataillons de la Grande Armée sur le terrain d’une bataille, et la bataille a lieu. Les souvenirs arrivent au pas de charge, enseignes déployées ; la cavalerie légère des comparaisons se développe par un magnifique galop ; l’artillerie de la logique arrive avec son train et ses gargousses ; les traits d’esprit arrivent en tirailleurs ; les figures se dressent ; le papier se couvre d’encre, car la veille commence et finit par des torrents d’eau noire, comme la bataille par sa poudre noire. » 
Honoré de Balzac, Traité des excitants modernes.





 Maison de Balzac à Passy © Maison de Balzac Roger-Viollet
Maison sur la rue Raynouard au 47. Photo de Albert Harlingue
© Maison de Balzac  Roger-Viollet
 Louis Baudier de Royaumont, Mme Barbier et deux figures assises
dans le jardin © Maison de Balzac  Roger-Viollet
Maison de Balzac, façade occidentale vers 1896
Par Monlien de Perthou © Maison de Balzac  Roger-Viollet


La Maison de Balzac réunit un important fonds documentaire et une bibliothèque conservant documents manuscrits, lettres autographes, éditions rares des œuvres de Balzac et de Théophile Gautier, éditions critiques, traductions, ouvrages reliés, annotés ou dédicacés, journaux du XIXème siècle. La bibliothèque est accessible au public.

En 2002, la Ville de Paris s'est fait acquéreur des terrains du 43 et 45 rue Raynouard dans l'idée d'agrandir le musée mais les difficultés de réalisation ont mené à l'abandon du projet et les parcelles ont été revendues à des promoteurs privés.


La maison de Balzac dans le Vieux Passy,
depuis la rue Berton
© Maison de Balzac  Roger-Viollet

Maison de Balzac
47, rue Raynouard - Paris 16
Tél : 01 55 74 41 80
Horaires : Du mardi au dimanche de 10h à 18h - Fermé les lundis et jours fériés.
La bibliothèque est ouverte du mardi au vendredi de 12h30 à 17h30, et le samedi de 10h à 13h puis de 14h à 17h30



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 16è arrondissement - Marie-Laure Crosnier Leconte - Parigramme
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme

Sites référents