Cinéma : Do the right thing, de Spike Lee - Version restaurée - Avec Spike Lee, John Turturro, Danny Aiello, Samuel L. Jackson



Jour de canicule à Brooklyn dans le quartier-monde de Bedford-Stuyvesant où cohabitent les communautés noire, italienne, portoricaine et coréenne. Comme tous les jours depuis vingt-cinq, Sal (Dany Aiello) propriétaire d'une pizzeria très populaire ouvre boutique aidé par ses deux fils Vito (Richard Edson) et Pino (John Turturro). Mookie, un jeune afro-américain qui s'occupe des livraisons parcourt les rues, sorte de lien entre toutes les familles de Bed-Stu. Sur son chemin, il croise les pittoresques figures du quartier, Da Mayor le vieux sage alcoolique dont le seul conseil de vie est "do the right", "fais la chose juste", Smiley, un handicapé qui vend des vieilles photos de Martin Luther King et Malcom X… Tandis que Mister Love l'animateur radio local rythme les heures du jour de sa voix de velours, dans la chaleur estivale les tensions communautaires se cristallisent peu à peu dans des discours et des grands débats de plus en plus intenses. Un banal incident entre Sal et Radio Barjo, un jeune qui se promène ghetto blaster à plein volume, tourne à l'émeute.






Portrait dévastateur de l'Amérique, des communautés poussées dans leurs retranchements, Do the right thing peint une fresque ardente et complexe, riche d'une certaine authenticité celle d'une vie de quartier avec ses querelles et ses tensions. Puissance d'évocation, audace, le brûlot signé Spike Lee, projet militant rythmé par la musique de Public Enemy, sorti originellement en 1989, dresse un constat pessimiste.

Energie, simplicité du dispositif, stylisation de la réalisation avec plans séquences et face caméra, l'esthétique particulière de ce long-métrage apporte une force singulière à cette chronique de la culture urbaine. Dans la moiteur oppressante remarquablement rendue à l'image, le ton se fait de plus en plus acerbe alors que l'explosion semble inévitable jusqu'au climax d'une nuit dramatique. Lancé sur le ton de la comédie, le récit fait progressivement place en vingt-quatre heures à l'escalade de la violence, verbale puis physique. L'engrenage des tensions communautaires conduit inexorablement à l'émeute.






La pauvreté, les brutalités policières, la gentrification des quartiers populaires, le culte de la célébrité, la violence contre les femmes, le racisme ordinaire, Spike Lee prend directement à la source le pouls de la rue new-yorkaise. Une galerie de personnages incarne avec intelligence cette génération post-droits civiques partagée entre frustration et fureur. Les enjeux politiques et idéologiques du film tournent autour des contradictions de la lutte sociale, la tentation de la radicalisation.




La communauté afro-américaine tente de concilier deux philosophies héritées, le pacifisme à la Martin Luther King, et la violence en réponse à la violence légitimée par le discours de Malcolm X. Spike Lee laisse chacun libre d'interpréter la morale de l'histoire, cherchant à provoquer le débat. Le fait de ne pas prendre parti lui aura été reprochée mais cette position fait toute la force du film.

Do the right thing de Spike Lee (1988)
Avec Spike Lee, John Turturro, Danny Aiello, Samuel L. Jackson
Sortie version restaurée 22 juin 2016



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.