Paris : Passage Boiton, flâner du côté de la Butte aux Cailles - XIIIème




Petites maisons, dédales de ruelles pavées peu fréquentées par les voitures, places piétonnes où se réunissent les Cailleux, heureux riverains, la Butte aux Cailles est un lieu pittoresque et charmant. Hors du temps, préservé de l'intense activité citadine si proche et si pourtant si lointaine, ce véritable village indépendant des grandes artères urbaines a su préserver l'atmosphère de convivialité d'un quartier historiquement populaire. Haut lieu du festival street art, les Lézarts de la Bièvre, le passage Boiton, du nom d'un ancien propriétaire de la parcelle, est une petite voie de la Butte aux Cailles bordée de maisons individuelles en cœur d'ilot et de petits immeubles. Cheminant sur 103 mètres de long, il débute au 11 rue de la Butte aux Cailles roulant en pente douce jusqu'au 8 rue Bernard-Martin. Une adorable pépite des plus dépaysantes.












Dans le quartier de Maison Blanche, la Butte aux Cailles culmine à 63 mètres place Paul Verlaine. Elle doit surtout sa dénomination de Butte à la vallée de la Bièvre aujourd'hui comblée qui entaillait profondément le paysage, vallonnant cette ancienne portion de la ville de Gentilly rattachée à Paris en 1860. Dès le XVIème siècle, les Cailles fermiers et meuniers de la Butte lui lèguent leur nom de la même façon que de nombreuses rues de l'arrondissement portent celui des propriétaires de terrain. 

En 1720, la Butte aux Cailles n'est accessible que par deux chemins desservant deux moulins à eau alimentés par la Bièvre, le chemin du Moulin des Près et le chemin de Croulebarbe vers le Moulin de Croulebarbe.  A partir de 1750, au sommet de la Butte et sur le plateau de l'actuelle place d'Italie s'implantent des moulins à vent dont la production est acheminée par une ligne de crête, la route de la Butte aux Cailles. En 1760, ils sont neuf. 

En se référant aux photographies d'Eugène Atget, en 1850, la Butte est quasiment vierge de constructions. On y trouve quelques petits corps de ferme et des baraques de planches dressées à l'entrée des puits menant aux carrières de glaise et de pierre. L'urbanisation ne débute timidement qu'à partir de l'annexion en 1860. Les rues se pavent, les maisons se haussent avec prudence jusqu'à trois ou quatre étages. Leur hauteur est limitée par l'instabilité des sous-sols, les anciennes carrières ayant été plus ou moins bien comblées. La population composée d'ouvriers des industries de la Bièvre, blanchisserie, tannage, y est très modeste. Chiffonniers et gens du voyage s'installent le long du val dans des constructions de fortune.













Afin de soutenir le mouvement d'urbanisation, le baron Haussmann lance des travaux de forage d'un puit artésien afin de fournir la Butte en eau et de compenser la diminution inquiétante du débit de la Bièvre en été. Le forage débute en 1866 mais s'arrête à 532 mètres en 1872. Le chantier est laissé à l'abandon pendant plus de vingt ans avant de reprendre à la fin du siècle. C'est seulement en 1903, à 582 mètres, que l'eau se manifeste enfin. L'eau courante étant peu à peu installée dans les habitations de la Butte et la Bièvre définitivement enfouie, sa vallée remblayée entre 1900 et 1910, les 6000 m3 quotidiens sont canalisés afin d'alimenter dans un premier temps des petits bains-douches en 1908 avant que la piscine à façade Art Déco, fierté de l'arrondissement, ne voit le jour qu'en 1924.

La Butte aux Cailles offre, aujourd'hui, le visage nostalgique d'un mode de vie disparu en ville. Bars et restaurants nombreux sont le centre d'une animation bon enfant qui rappelle le passé des tavernes où les poètes comme Paul Verlaine venaient tailler bavette à la petite fée verte de l'absinthe. Cette activité intense chagrine parfois les nouveaux résidents de bicoques payées à prix d'or et réhabilitées en coquettes bonbonnières. L'évolution de la composition sociale depuis les années 80 tend à transformer le quartier. Un certain embourgeoisement se fait sentir, restreint cependant par la taille modeste des bâtis qui ne peuvent que rarement accueillir des familles. Le site classé est régi par une limite d'occupation des sols freinant la spéculation immobilière et l'appétit des promoteurs. Atmosphère préservée, Parisiens enchantés !

Passage Boiton
11 rue de la Butte aux Cailles / 8 rue Martin Bernard - Paris 13



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du promeneur 13è arrondissement - Gilles-Antoine Langlois - Editions Parigramme
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit

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