Cinéma : The Lady in the van, de Nicholas Hytner - Avec Maggie Smith et Alex Jennings



Alan Bennett, dramaturge londonien, s'installe, en 1973, dans le quartier bobo avant l'heure de Camden Town. Il croise le chemin de Mary Shepperd, une sans-abri âgée qui squatte la rue dans une improbable fourgonnette au grand dam des résidents. La vieille dame, acariâtre misanthrope à l'hygiène corporelle douteuse, déteste les enfants et pique des crises dès qu'elle entend une note de musique.  Malgré cette irascibilité, le voisinage, travaillé par une certaine culpabilité sociale, charitable pour se donner bonne conscience, prend soin d'elle, répondant à ses exigences avec patience. Une générosité qu'elle accueille, impériale, comme allant de soi sans aucune gratitude. Alors que son van est menacé d'enlèvement pour stationnement illégal, Miss Shepperd convainc l'aimable Alan de la laisser se garer dans l'allée de sa maison pour quelques semaines. Elle y demeurera durant quinze ans.






Histoire d'une amitié singulière, fable sur le vivre ensemble, The Lady in the van a d'abord été un roman d'Alan Bennett inspiré de sa propre expérience puis une pièce de théâtre avant de devenir un scénario. Charmant, souvent drôle, cette adaptation tendre mais très sage doit beaucoup à la brillante interprétation de la délicieuse Maggie Smith qui a créé le rôle à la scène. Elle apporte le grain de folie qui manque un peu à la mise en scène du réalisateur, Nicholas Hytner. Celui-ci sous-exploite le potentiel dramatique et comique de la situation, cette guerre de territoire évoluant vers une progressive compréhension mutuelle.

Alan Bennett qui se sent coupable de négliger sa propre mère, a l'impression d'expier son manque de piété filiale grâce à la curieuse relation qu'il établit avec cette vieille excentrique au caractère exécrable. Leurs liens sont marqués par la fascination autant que l'exaspération que provoquent les excentricités de la vieille dame. La passivité marquée de dégoût du premier qui s'en veut d'être, au fond, si peu charitable et la pétulance arrogante de la mégère indigente et bigote engendrent des situations savoureuses.






Persuadée de sa supériorité sur le commun des mortels, Mary Shepperd soutient qu'elle communique directement avec la Vierge Marie de qui elle reçoit des directives très précises. Ses illusions de grandeur lui donnent un aplomb que Maggie Smith interprète avec gourmandise et rouerie. Pour le plus grand bonheur des spectateurs, certaines scènes réjouissantes ne sont pas sans rappeler la morgue d'un autre rôle de la comédienne, Lady Crowley dans Downton Abbey.

L'écrivain introverti incarné par Alex Jennings est torturé par des questions existentielles qui le poussent à se parler à lui-même. Nicholas Hytner a choisi de dédoubler le personnage à l'écran, l'homme qui vit, paradoxalement marqué par l'inertie et l'auteur qui écrit, aux saillies sardoniques piquantes. Le procédé souligne le thème de la relation inconfortable entre la vie et l'art avec intelligence. Les nombreux caméos - Jim Broadbent, Roger Allam, Frances de la Tour et le présentateur de The Late Late Show James Corden - raviront les anglophiles adeptes de la comédie britannique.




A travers les rires, la douleur émotionnelle et le désespoir qui marquent les personnages sont brillamment interprétés. Film très anglais, The Lady in the van sans être tout à fait réussi, l'alchimie étant parfois un peu poussive, possède le charme de ses comédiens et celui d'une certaine nostalgie.  

The Lady in the van réalisé par Nicholas Hytner
Avec Maggie Smith, Alex Jennings, Frances de La Tour, Roger Allam, Jim Broadbent, James Corden
Sortie le 16 mars 2016