Paris : Maison du maître-verrier Louis Barillet oeuvre de l'architecte Robert Mallet-Stevens - Square Vergennes - XVème




Véritable incursion verdoyante dans la ville, l'accès au square Vergennes, du nom d'un ministre de Louis XVI, se fait depuis la très urbaine rue Vaugirard. Entre l'ambassade du Honduras et de coquettes maisons de ville, survivances d'un XVème arrondissement post-moderne, la charmante impasse dissimule un secret architectural, un superbe bâtiment réalisé par Robert Mallet-Stevens (1886-1945) entre 1931 et 1932 pour son ami Louis Barillet (1880-1948), maître-verrier, peintre, mosaïste. A la fois atelier et appartement, l'esthétique de cet édifice singulier est marqué par sa double fonction, lieu de travail, de production industrielle et domicile. Inscrit au titre des Monuments historiques par arrêté du 7 juin 1993, il a été entièrement rénové au début des années 2000 par un mécène passionné d'Art déco et de modernisme, l'industriel Yves Poulain qui y a inauguré un premier musée dédié aux arts et au design avant qu'il ne devienne en 2014 le musée Mendjisky - Ecoles de Paris. Malheureusement, celui-ci a fermé définitivement ses portes laissant l'avenir de ce beau bâtiment incertain.










Louis Barillet, ami et collaborateur de Robert Mallet-Stevens travaille avec l'architecte sur des projets tels que l'hôtel atelier des frères Martel situé rue Mallet-Stevens dans le XVIème arrondissement ou encore la villa Noailles à Hyères. Spécialiste du verre, il explore les diverses utilisations des verres industriels, prismatiques, imprimés, opaques mais aussi celles des verres gris, noirs et les miroirs faisant de la technique du verre blanc sa spécialité. Vitraux religieux, civiles, verrières, Louis Barillet participe du renouveau du vitrail en France en tant que membre de l'Union des artistes modernes fondée par Mallet-Stevens en 1929.

Avec le développement de son activité, les ateliers de la rue Alain Chartier occupés par Louis Barillet deviennent trop exigus et malcommodes. En 1932, il emménage dans les nouveaux locaux imaginés par Mallet-Stevens. L'agencement des éléments de l'édifice est conçu en fonction de l'organisation et de la fonctionnalité de l'activité procédant ainsi d'une vision de l'art total : esthétique de l'usage, modernité, luminosité et choix minutieux des matériaux employés tel le granito au sol ou le béton armé pour la structure.

Le projet architectural ambitieux vise à diminuer les points porteurs et libérer l'espace au maximum pour laisser place à l'activité créatrice. Véritable prouesse technique lorsque les planchers sont destinés à supporter de lourdes charges, il n'existe qu'un seul poteau vertical traversant le bâtiment. Les ateliers éclairés par la grande verrière orientée nord forment la partie centrale de l'édifice qui se compose d'un grand volume cubique tandis que l'avancée arrondie à droite abrite les bureaux. Le positionnement en fond de cour permet de faciliter livraison set chargements divers s'effectuant par une large porte de service. 

A gauche une petite porte presque invisible dans la structure est surmontée d'un mince auvent et d'un vitrail tout en hauteur qui court le long de la façade jusqu'au sommet éclairant l'escalier principal. Composé de verres laminés aux reliefs variés, il a été créé par Louis Barillet en hommage à son activité. Un second vitrail, Psyché 4, est visible à l'intérieur.






L'imposante verrière, orientée au nord diffusant une luminosité uniforme favorable au travail des vitraux, n'est pas d'origine. Celle imaginée par Robert Mallet-Stevens formait une grande façade vitrée composée de parallélépipèdes plus larges vers le haut accentuant l'effet de perspective des volumes du bâtiment.  L'omniprésence du verre souligne l'importance de la lumière mais permettant également de déployer tous les talents de maître-verrier de l'entreprise Barillet.

Au rez-de-chaussée et dans les soubassements du volume, se déroulaient les livraisons. Une cour intérieure permettait d'amener la lumière au fond de l'atelier. Toujours à ce niveau, les fours de cuisson des vitraux, l'espace mosaïque où se travaillait la matière brute du verre. Au premier étage, avaient lieu découpe, sertissage et assemblage.

Deuxième et troisième étages étaient destinés plus précisément à la création des motifs, entre dessins grandeurs nature, plans, croquis, maquettes, choix des verres, assemblage provisoire, peinture des grisailles. Une immense armature réglable montée le long de la verrière permettait de donner une idée du résultat plastique des futurs vitraux en pleine lumière. Une galerie en pourtour de cette partie de l'atelier était réservée au service des archives et au laboratoire photographique. L'espace habitation, au quatrième étage, en retrait par rapport au reste du bâtiment et agrémenté d'une terrasse se composait de trois chambres, d'un séjour. Chaque palier de niveau s'orne de mosaïques sur le thème de la chasse qui ont été rénovées.

A droite de l'édifice, l'avant-corps de logis incurvé abritait les bureaux. Cette partie de la construction est marquée par la modernité des longues fenêtres horizontales. Au-delà de l'esthétique de la courbe, l'aile en saillie sculpturale permettait d'isoler et de protéger la grande verrière des ombres portées des bâtiments mitoyens.

Villa Barillet
15 square Vergennes - Paris 15



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Robert Mallet-Stevens l’œuvre complète, Centre Pompidou, 2005  
Guide d’architecture Paris 1900-2008 - Eric Lapierre, Pavillon de l’Arsenal, 2008
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Le guide du promeneur 15è - Florence Claval - Parigramme

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