Cinéma : Mon Roi réalisé par Maïwenn - Avec Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel



En convalescence dans une clinique après s’être gravement blessée le genou lors d’une chute de ski, Tony, une avocate réservée, se remémore les grandes étapes de sa relation avec Georgio, dix ans de passion amoureuse tumultueuse. Au cours d’une soirée en boîte de nuit, alors trentenaire fraîchement divorcée, elle tombe sous le charme de cet oiseau de nuit, flambeur, hâbleur. Animal social, il est l’excès, la flamboyance, le charisme, l’indépendance. Introvertie, elle est mesurée, fidèle, raisonnable, réaliste, solitaire. Leur histoire ne devrait pas durer plus d’un soir et pourtant ils s’éprennent l’un de l’autre. Rapidement, Georgio veut un enfant d’elle, le mariage mais surtout pour la faire sienne totalement. Avec la grossesse, les premières tensions apparaissent et il dévoile peu à peu son vrai visage. Menteur invétéré sincèrement amoureux de sa femme malgré les tromperies, les sorties, la drogue, il la délaisse pour mieux la retrouver dans un enchaînement de déchirements, de ruptures et de retrouvailles qui laissent Tony exsangue et désespérée. Au bout de dix ans, d’une passion destructrice, elle prend la décision de la séparation. Au centre de rééducation, la relation amicale que Tony lie avec des jeunes sportifs lui fait réaliser la nécessaire ouverture aux autres pour échapper à l’emprise de cet homme. Autopsie d’une histoire d’amour, chronique d’une émancipation.









Style rageur, énergique, Maïwenn signe un quatrième film convulsif, viscéral sur l’aliénation amoureuse. Qualités d’écritures et d’interprétation, Mon Roi, coécrit avec Etienne Comar, va chercher la vérité du couple dans le bruit et la fureur, l’exaltation des sentiments, entre doutes et contradictions, aveuglements et lucidité, fascination et euphorie. 

Sur le thème classique des relations homme-femme, la réalisatrice nous conte l’amour comme une drogue, une forme d’hypnose, traitement inspiré qui évite les poncifs notamment grâce à des dialogues vifs et sensibles. Elle trouve un ton singulier, une certaine allégresse dans les situations paroxystiques, le chaos ardent de cette passion destructrice plus grande que la vie où les désillusions, les blessures inguérissables sont à la hauteur de l’envoûtement amoureux. Interrogeant le couple, elle confronte les démons et sonde avec finesse les fragilités à travers une approche épidermique des relations humaines dont elle est familière.









Dédales d’instants décomposés, la construction en ellipses et flashbacks sert une mise en scène habile qui éclaire le jeu des acteurs. Le regard féminin incandescent, la grande empathie à l’égard des personnages donnent à cette œuvre tripale une dimension infiniment humaine, troublante jusque dans la sensualité et le désir qui exsudent de certaines scènes, instants de grâce pure. 

Les comédiens habités, généreux livrent une composition physique, organique tout en nuances. Solaire Vincent Cassel, amant toxique, désarmant et pervers, magnétique, tyrannique et infiniment seul malgré son besoin constant de s’entourer. Emmanuelle Bercot - prix d’interprétation féminine à Cannes - incarne une Tony discrète, femme amoureuse exaltée et meurtrie qui aime jusqu’au bout de soi, et ce malgré un coiffeur qui semble visiblement lui en vouloir. Révélant un talent comique, Louis Garrel le frère cynique apporte une touche de légèreté, une respiration à cette touffeur.  





Réflexion sur l’addiction amoureuse, la toxicité des sentiments, Mon Roi n’est pas dépourvu d’une certaine amertume, comme un constat d’échec universel, l’impossibilité d’être heureux en amour. Film bouleversant, hantant, cette œuvre n’hésite pas à s’inscrire dans une vérité troublante au sujet des relations humaines.

Mon Roi réalisé par Maïwenn
Sortie le 21 octobre 2015
Avec Emmanuelle Bercot, Vincent Cassel, Isild Le Besco, Louis Garrel