Paris : Mystérieux château percé, vestige du château des Ternes - 17-19 rue Pierre Demours - XVIIème



Le village des Ternes fait partie de ces quartiers parisiens qui ont su conserver un certain charme malgré une pleine intégration à la ville. Si le style y est plutôt haussmannien, le promeneur attentif peut y découvrir à loisir de nombreuses curiosités rappelant avec bonheur l’histoire de Paris. C’est le cas aux 17 et 19 rue Pierre Demours, d’une singulière bâtisse au ventre percé d’un passage vouté où vaquent les piétons. Deux belles façades XVIIIème aux hautes fenêtres cintrées qui furent l’avant-corps central d’un ensemble plus vaste et un étonnant portail esseulé sont les seuls vestiges du château des Ternes autour duquel s’est développé le hameau éponyme. Inscrite au titre des monuments historiques le 13 juin 1949, cette bizarrerie architecturale méritait quelques investigations.







En 1320, le titre de l’Abbaye de Saint Denis signale une villam externam, une ferme hors de l’enceinte de Paris, propriété de l’évêché, située alors tout à fait à la campagne sur une pente boisée et giboyeuse bordée de marécages, domaine de chasse royale. Peu après la guerre de Cent ans, en 1356, le nouveau propriétaire de cette ferme, Pierre Jourdaing la fait fortifier. 

En 1540 Pierre Habert, homme de lettres et valet de chambre d’Henri III achète ce qui est devenu par glissement la Ferme Esternes. Il débute des travaux en 1548. Une grande partie de l’ancien bâtiment est démoli pour en reconstruire un plus grand entouré de fossés et flanqué de deux tourelles ainsi que d’un pont-levis. Un château donc. 

Le domaine se développe avec l’acquisition de nombreuses terres environnantes où fleurissent vignes, vergers et champs. Le petit-fils de notre homme, Isaac Habert, théologien et protégé de Richelieu, obtient en 1634 une ordonnance royale de Louis XIII qui élève le domaine en fief seigneurial. En 1679, celui-ci est morcelé en deux. La seconde partie deviendra le château des Sablons. 





A la fin du XVIIème siècle, le hameau des Ternes est composé de cinq maisons dont trois forment le château. En 1715, Mirey de Pomponne, conseiller du roi Louis XIV, se porte acquéreur des Ternes et transforme totalement les constructions. Il supprime pont-levis et fossés, aménage un grand parc d’agrément avec orangerie et colombier. A la fin du règne de Louis XV, le marquis de Galliffet, conseiller du roi, qui fit ériger le somptueux Hôtel de Galliffet dans le VIIème arrondissement (73 rue de Grenelle-50 rue de Varenne), aujourd’hui siège de l’Institut culturel italien de Paris, donne des fêtes splendides dans les jardins.

En août 1778, s’associant avec Jean-Baptiste Servat et Charles-Nicolas Rolland, Samson-Nicolas Lenoir, architecte et spéculateur, devient propriétaire du Château des Ternes. Trois ans plus tard, il rachète les parts de ses partenaires et prend des mesures drastiques pour rendre rentable son opération immobilière. La demeure est divisée en quatre parcelles, mobilier et décor du parc vendus. La grille du château est acquise par Jean-Baptiste Elie de Beaumont, avocat au Barreau de Paris où il a pris part aux débats pour la réhabilitation de Jean Calas. Cette grille est toujours visible au château de Canon dans le Calvados. Lenoir fait également percer un passage à travers le corps de logis. Cette éventration  donne naissance à la rue des Arcades devenue rue Bayen en 1864. Dans les communs, il installe une manufacture de tôles. Une muraille est construite et le parc morcelé. Samson-Nicolas Lenoir reste propriétaire jusqu’en 1802 date à laquelle à la suite de revers financiers il se sépare du château.






A la Révolution, le hameau des Ternes est intégré à Neuilly puis en 1860 rattaché à Paris. Si le château des Ternes revit quelques temps les fastes d’antan sous l’impulsion de la famille Saint-Senoch, la poussée urbaine du XIXème siècle aura raison des derniers reliquats du domaine. Terrains et bâtiments sont finalement démantelés pour n’en laisser que les vestiges visibles rues Pierre Demours et Bayen. Entre successions, spéculations et faillites, le château des Ternes aura connu de nombreux hôtes de marque. Parmi les plus singuliers, on notera le père de Nicolas Boileau, Bossuet, Mme d’Houdetot - Sophie Lalive de Bellegarde - salonnière membre éminent de la société littéraire et philosophique des Lumières, Michel Adanson, un naturaliste auteur d’un mémoire célèbre sur le baobab et d’ouvrages sur le Sénégal ou encore le général d’Empire Pierre Dupont de l’Etang.

Le château percé vestige du château des Ternes
17-19 rue Pierre Demours et 28 rue Bayen - Paris 17

Bibliographie
Curiosités de Paris - Inventaire insolite des trésors minuscules - Dominique Lesbros - Parigramme
Paris Secret et Insolite - Rodophe Trouilleux - Parigramme

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