Paris : Ancien atelier des Peignes A. Mermet - 35 rue Clavel - XIXème



Bien qu’ancienne, la rue Clavel située à proximité des Buttes Chaumont garde peu de trace de son histoire. La plupart des constructions qui la bordent sont très récentes. Créée avant 1730, elle est alors un chemin emprunté par les meuniers pour accéder aux moulins de la Butte Chaumont, le moulin du Coq et le moulin de la Bruyère. En 1812, le chemin des Moulins devient la rue des Moulins puis en 1868 prend le nom du Général de Brigade Pierre Clavel (1773-1843) qui défendit Belleville contre les troupes autrichiennes et russes lors de la Campagne de France en 1814. Les promoteurs immobiliers ayant oeuvré, elle manque aujourd’hui de charme. Cependant, il s’y trouve encore la trace d’une activité artisanale typique de ce que fut ce quartier populaire au début du XXème siècle. Au numéro 35, un singulier petit pavillon vétuste attire le regard grâce à son enseigne à tessons, une mosaïque bleu et jaune annonçant Peignes A. Mermet.







A la fin du XIXème siècle, la mosaïque traditionnelle ornementale connaît un fort engouement grâce notamment à la présence à Paris d’artisans italiens - Facchina, Salviati, Odorico et Maazioli - que Charles Garnier emploie de 1867 à 1875 sur le chantier de décoration de l’Opéra. Les Expositions Universelles et les particularités des Arts Nouveaux et Déco prolongent cette vogue aussi bien dans les immeubles cossus où ces ornementations décorent murs ou sols des halls que dans les milieux populaires. 

Artisans et boutiquiers embellissent leur pas de porte de chatoyantes créations et affichent des enseignes travaillées en mosaïque. Si la mode s’essouffle après la Seconde Guerre Mondiale, dans les années 1920, c’est le comble du chic. Epoque à laquelle, Auguste Mermet notre fabricant de peignes fait rénover l’atelier du 35 rue Clavel et y appose sa marque par l’enseigne qui nous intéresse.  





Le bâtiment originel date de 1879. Il s’agit alors de l’atelier d’un couvreur-plombier répondant au nom de Hinal. Par la suite, il est occupé une année par l’entreprise Heumann et Billaudel produisant des accumulateurs électriques. Auguste Mermet est l’entreprenant rejeton d’une famille de fabricants de peigne établis dans l’Ain et le Rhône. En montant à Paris, il installe une petite manufacture de peigne principalement en corne. A la fin du XIXème siècle et jusqu’aux années 60, la Villette est le quartier des abattoirs de Paris. 

Parallèlement dans tout le le XIXème arrondissement se développe une industrie autour des produits dérivés du marché aux bestiaux tels que le cuir ou la corne. Le long de la rue Clavel s’établissent des fabricants de chaussures, de ceintures, de boutons mais également dans le domaine de la confection passementerie et dentelles. Une activité artisanale qui a disparu de nos jours.  Dans les années 20, l'entreprise des peignes A. Mermet prospère puisque l’on trouve à la même époque une succursale à Oyennax, un bourg de l’Ain célèbre pour ses peignes en bois depuis le Moyen-âge.





En 1928, Auguste Mermet entreprend des travaux de reconstruction et de modernisation de sa fabrique-magasin parisienne. L’architecte M. Ricaud, maître d’ouvrage du projet, donne sa forme finale au bâtiment tel qu’il se trouve aujourd’hui misant sur un matériau révolutionnaire le béton armé fourni par la société Henebique. La bâtisse en U lovée autour d’une minuscule cour privative s’élève sur deux étages. Au rez-de-chaussée est située une petite boutique, un atelier avec de grandes baies vitrées au premier étage et une partie habitation au dernier étage. Atelier, boutique et logement, le 35 rue Clavel a alors fière allure. Cependant, la crise puis la guerre mettent à mal ce commerce florissant qui ferme ses portes avant la Seconde Guerre Mondiale.

Le local est acquis par adjudication en mars 1939 par la société René Guénot, gérée par Albert Douchet. Il est transformé en manufacture d'instruments de musique trompettes, clarinettes, flûtes mais surtout de saxophones, la production se prolonge jusque vers la fin des années 1940. Le propriétaire de la société René Guénot, Albert Douchet abandonne progressivement la fabrication mais poursuit jusque dans les années 1950 une activité de vente d'instruments.

Curieusement rescapé des opérations immobilières, le petit édifice, malgré le manque manifeste d’entretien, garde un certain charme. En espérant que ce délabrement ne devienne pas l'alibi tout trouvé pour un passage à l'acte des bétonneurs fous de Belleville. 

L’ancien atelier des Peignes A. Mermet
35 rue Clavel - Paris 19

Bibliographie :
Curiosités de Paris - Inventaire Insolite des trésors minuscules - Dominique Lesbros - Parigramme
Architecture Industrielle - Marie-Françoise Laborde - Parigramme
Connaissance du vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages

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