Spectacle : Re-Vue, l'émotion pure entre danse et théâtre - Une création de Guesch Patti d'après l'oeuvre d'Edouard Levé, Autoportrait - Théâtre de l'Atelier - Paris 18



Une femme à la dérive entourée de trois hommes, cernée, désirée, à la fois offerte et récalcitrante, se livre tout en pudeur à travers les mots de l’écrivain qui lui permettent d’exprimer le dialogue intime de l’âme tout en ellipses et associations d’idée. Un rendez-vous a été pris dans un décor étrange à l’esthétique industrielle. Un huis clos anxiogène entre les quatre protagonistes. L’instigateur de cette rencontre n’est pas connu, peut-être est-ce elle, peut-être pas. Le dialogue s’engage par les mots et les corps qui se cherchent, évoquent une quête cathartique, passant par l’enfance, le désir amoureux, la sensualité de la chair. Audace et sincérité, humour et provocation. Le spectacle Re-Vue est inspiré du très beau livre d’Edouard Levé, Autoportrait. Mais il ne s’agit pas seulement d’une adaptation hommage. Car c’est aussi l’histoire d’une femme qui s’est emparée d’un texte d’homme. Evolution gracieuse ou saccadée, gestuelle frénétique ou voluptueuse, tendresse et violence d’un récit abstrait et introspectif, portrait en creux, le mouvement de la danse incarne le désir de vie, création contemporaine à la puissance évocatrice. "Un spectacle afin d’explorer la différence entre l’idée que l’on a de soi et ce que les autres y voient" résume Guesch Patti à propos de Re-Vue.





Deux représentations exceptionnelles se tiendront les lundis 9 et 16 mars au Théâtre de l’Atelier, de ce premier spectacle chorégraphié par Guesch Patti, une reprise qui a déjà été interprétée par une troupe alternative aux festivals Artdanthé et Etrange Cargo. Aura impressionnante, charisme intimidant, Guesch Patti, danseuse née, chanteuse populaire, chorégraphe habitée est pourtant merveilleuse de simplicité, accessible, passionnée, généreuse lorsqu’elle se prête au jeu des questions que lui posent les invités qui ont eu la chance d’assister à la répétition du 5 mars dernier.


Les tableaux qui composent Re-Vue répondent au principe de la psychanalyse, exploration des âmes et des coeurs, interrogation et déchirement par association d’idées et de formules extraits du texte d’Edouard Levé. « Où les choses résistent-elles et où nous font-elles avancer ? » Abstraction, émotion pure, ouvrant la voie à toutes les interprétations. La chorégraphie de situation sublime la fragilité de l’être humain qui donne paradoxalement toute sa force à la création contemporaine. Les trois tableaux, ou sont-ils quatre,  construits à rebours, en flashbacks, passent sans transition d’un moment à un autre. Ils sont marqués par le rapport au temps que cadre la musique. 

Nine Inch Nails, Johann Johannsson musicien irlandais qui a composé un morceau pour Guesch Patti et le thème principal de Kevin Byers. La danse permet l’infinie variété des styles, une liberté débridée fusionnant rock et romantisme. Le lieu en lui-même impose sa dimension au déploiement du corps, le réduisant ou l’extrapolant à travers l’espace. Se l’approprier afin que l’émotion puisse surgir tandis que la respiration se restreint ou s’amplifie, modifiant la façon de se mouvoir, de danser. Dans la scénographie, Guesch Patti a glissé des références aux clichés d’Edouard Levé qui était également photographe.




Guesch Patti partage avec celles qui l’inspirent, Pina Baush, Elisabeth Platel et Maguy Marin pionnière de la chorégraphie théâtrale, la même richesse émotionnelle et une curiosité insatiable pour les gens. « Théâtre qui danse, danse qui prend la parole ». Sur scène, tout de noir vêtue, présence d’une densité hypnotique, elle semble s’amuser avec le plus grand sérieux. Le corps désincarné par la quintessence du mouvement devient spirituel, projection essentielle du sentiment. Guesch Patti insiste sur l’humilité de l’exercice de style mais repousse sans cesse les frontières dans une quête de poésie onirique. 

Olivier Balazuc, à l’origine comédien, metteur en scène et auteur, oscille dans ce spectacle entre la comédie et la danse, jouant avec bonheur sur les subtiles variations entre les deux modes d’expression scénique, ces deux univers si différents dans leur approche du souffle notamment. Vincent Clavaguera et Jaime Flor apportent à la rigueur de leur formation de danseur toute la vitalité du basculement de l’un à l’autre dans la multitude et la contrainte.





Le spectacle vivant, c’est la grâce de l’acte unique, la vérité grave de l’instant, la beauté de la représentation qui demain sera autre. Avec la danse contemporaine, émergent de nouvelles formes d’expression à travers lesquelles l’innovation la plus pointue devient accessible à tous les spectateurs, quels qu’ils soient grâce à l’universalité du ressenti irradiant de cet art. Re-Vue, un spectacle poignant et fascinant traversé de part en part par une émotion profonde, bouleversante.

Re-Vue d’après Autoportrait d’Edouard Levé adapté par Guesch Patti
Avec : Olivier Balazuc, Vincent Clavaguera, Jaime Flor, Guesch Patti
Deux représentations exceptionnelles Lundis 9 et 16 mars à 20h30 
Théâtre de l’Atelier 
1 place Dullin - Paris 18
Tél : 01 46 06 49 24