Cinéma : A most violent year de JC Chandor - Avec Oscar Isaac et Jessica Chastain



New York, 1981, année record pour la criminalité. Abel Morales, self-made man dans le business du fuel et sa femme Anna, fille d’un mafieux de Brooklyn, sont sur le point de signer un contrat déterminant dans l’expansion de leur entreprise, Standard Oil Company. Au risque de tout perdre, ils mettent toutes leurs économies dans une valise afin de conclure un deal pour acheter des entrepôts portuaires à la périphérie de la ville dont l’emplacement idéal leur permettra d'accaparer une grande partie du marché. Ils ont trente jours pour régler le solde ou ils perdront leur acompte et le contrat. C’est alors que les ennuis commencent. Dans un monde entaché par la corruption et la violence, Abel tient à rester honnête, à garder les mains propres. Tandis que ses transporteurs se font attaquer, les camions et leur précieuse cargaison détournés, les syndicats de chauffeurs font pression sur lui pour armer illégalement les conducteurs. Sa famille est menacée par des inconnus. Le fisc lui tombe dessus au plus mauvais moment. Les banquiers retirent leur offre de prêt le laissant à la merci de ses rivaux, concurrents déloyaux qui rêvent de le voir couler. Abel se retrouve devant un dilemme moral : mettre à mal son intégrité ou céder aux compromissions et autres arrangement moraux ou juridiques.







JC Chandor, le réalisateur de "Margin Call" ou encore "All is Lost", s’attaque à l’un des grands mythes fondateur des Etats-Unis, celui du self-made man et de la libre entreprise, en révélant le revers du rêve américain à travers une relecture au vitriol des déboires d’un arriviste. Immersion dans une époque féroce, l’Amérique des années 80, "A most violent year" évoque de façon subtile mais marquante le contexte brûlant d’une époque décadente ravagée par le capitalisme sauvage et l’obsession de l’argent. Système fondamentalement brisé où la corruption est devenue institutionnelle.

Sombre, tout en subtilité, ce film malgré les nombreuses références au genre n’est pas du tout une histoire de gangster. Hormis une superbe course poursuite à la fin, l’action est plus cérébrale que physique. Il révèle la complexité d’un monde âpre, hermétique sur lequel le réalisateur porte un regard aiguisé. Les arcanes des affaires rendues fascinantes par cette vision singulière deviennent de façon évidente le terreau du drame humain. Idéalisme contrarié, brutalité suggérée même si la violence physique peu montrée à l’écran semble imprégner l’atmosphère soulignent l’intelligence de intelligence de la mise en scène dont la facture classique et la rigueur donnent de belles images crépusculaires. Lumière ocre sale, nuit bleu-vert, le contraste entre les plans extérieur d’un New York angoissant et les lieux presque claustrophobes où se déroulent les négociations dans la fumée de cigarette, joue sur un clair-obscur glacial qui exalte le climat mortifère de cet univers corrompu.




Ce film d’atmosphère soutenu par une tension palpable doit beaucoup à son intrigue complexe habilement menée, la densité des thèmes abordé et la qualité de l’interprétation. Oscar Isaac, vieilli, relooké façon Pacino dans le Parrain, est troublant dans le rôle de cet homme d’affaire au regard fixe, au sang-froid permanent tandis que Jessica Chastain joue remarquablement, sa partition de femme objet se révélant redoutable carnassière. Rythmé comme un polar, "A most violent year", loin d’être démonstratif, trouble par l’imprévisibilité de son déroulement et le côté cérébral de l’intrigue. Grave, virtuose, tout à fait passionnant.

A most violent year
Sortie le 31 décembre
Réalisateur : JC Chandor
Interprètes : Oscar Isaac, Jessica Chastain, Albert Brooks