Paris : Tyrannosaurus Rex, de Philippe Pasqua - Embarcadère de la Compagnie des Bateaux-Mouches - Port de la Conférence - VIIIème

Tyrannosaurus Rex de Philippe Pasqua - Embarcadère des Bateaux-Mouches - Port de la Conférence - Paris 8

Port de la Conférence près du pont de l’Alma, péniches touristiques gigantesques et habitations flottantes  plus modestes se côtoient sur les bords de la Seine. Installé sur la plateforme d’embarquement de la Compagnie des Bateaux Mouches, le Tyrannosaurus Rex de Philippe Pasqua, sculpture monumentale longue de 7 mètres et haute de 4, semblerait presque discret comparé aux géants d’acier qui l’entourent. Charlotte Bruel-Matovic la fille du fondateur des Bateaux Mouches à la tête désormais de l’entreprise est également une artiste-peintre passionnée d’art contemporain. C’est sous son impulsion que la société fait l’acquisition de cette œuvre singulière pour la placer sur le ponton principal la rendant ainsi accessible au grand public, passagers de la croisière comme simples passants.







Tyrannosaurus Rex de Philippe Pasqua - Port de la Conférence

Tyrannosaurus Rex de Philippe Pasqua - Port de la Conférence - Paris 8


Le squelette en aluminium chromé est composé de 350 os moulés sur les ossements originaux d’un T-Rex exposé en Chine. Précédemment installé à Saint Ouen l’Aumône dans l’atelier laboratoire galerie de l’artiste The Storage, espace dédié aux expérimentations artistiques personnelles et collectives, le Tyrannosaurus Rex tout en froideur métallique offrait dans un contraste saisissant avec les chairs tourmentées des toiles de Philippe Pasqua. Aujourd’hui, il a rejoint des horizons plus vastes et lance des éclairs dans le ciel que l'on souhaiterait plus souvent bleu.

Né à Grasse en 1965, Philippe Pasqua, sculpteur et peintre français autodidacte, commence à peindre à l’âge de 17 ans après avoir eu une révélation devant une reproduction d’un tableau de Francis Bacon. L’influence de l’œuvre de Lucien Freud marque sa fascination pour les extrêmes de la condition humaine. Pasqua développe alors une vision du monde sans concession qu’il décrit à travers ses toiles avec réalisme et expressivité.  Il explore le thème des vanités par le biais de la sculpture depuis 1987. Son obsession pour la chair et ce qui se dissimule en dessous le pousse à interroger les ossements, la charpente des êtres. « Le squelette, le crâne, c’est justement ce que je ne peux jamais voir ni peindre mais qui porte les chairs. »






Tyrannosaurus Rex de Philippe Pasqua - Port de la Conférence

Le Tyrannosaure fait partie de la série des vanités comme les célèbres crânes ornés de papillons, crânes humains recouverts de feuilles d’or ou d’argent, gainés de cuir tatoué, enduits de peinture fluide sur lesquels il déploie des nuées de papillons naturalisés. Philippe Pasqua appose une vision contemporaine et synthétique, emplie d’une poétique trouble sur ce motif classique. Interprétation puissante et personnelle dont la dramaturgie insolite et troublante oscille entre quiétude, émotion et déchirement. En approchant l’une de ces œuvres miroir, c’est son propre reflet que l’on découvre. Nous faisons face à l’image de notre propre mort faisant surgir la question du néant, soulignant la beauté et la fugacité de l’existence terrestre par opposition à la peur, aux angoisses que suscite l’idée de notre fin. Contraste entre sérénité et esthétique de la forme plastique et violence de sa signification.

Il y a du sacré dans l’œuvre sculpturale de Pasqua, les techniques employées évoquant celles des embaumeurs de l’Antiquité ou l’art des reliquaires du Moyen-Age. L’artiste emprunte à l’iconographie traditionnelle, créant de nouveaux motifs qui redonnent un sens aux anciens à travers la relecture d’un thème classique. Le lien se fait naturellement par association d’idées entre ces vanités et les têtes vaudoues de ses débuts, glissement thématique autour d'une même compulsion.








Le squelette du T-Rex joue avec les codes des musées d’histoire naturelle que l’artiste transpose à l’art contemporain. Périlleuse alchimie, délicat équilibre pouvant à tout moment verser définitivement dans le kitsch alors qu’agit le charme. J’imagine tout à fait un roi du pétrole achetant un squelette de dinosaure et demandant à le faire plaquer or. Le pouvoir de fascination du Tyrannosaurus Rex de Philippe Pasqua nait dans le vertige de sa charge symbolique. A travers les proportions monumentales de cette sculpture, l’artiste entre en contact avec la part la plus vulnérable de l’être humain et ramène aux dimensions microscopiques de l’homme par rapport au cosmos. Légère et gracieuse, d’une docilité qu’on ne lui prêterait pas, la créature disparue du Crétacé nous parle de la vie et de sa fugacité dans une flamboyance chromée. Memento mori. Souviens-toi que tu vas mourir, semble-t-elle nous murmurer.

Tyrannosaurus Rex de Philippe Pasqua
Embarcadère de la Compagnie des Bateaux-Mouches
Port de la Conférence près du pont de l’Alma - Paris 8